vendredi 31 août 2012

Rencontre centennale ...

Chère Pat,
Vraiment désolé de ne pas avoir écrit plus tôt (je plaide la démence), cela étant dit avec la voix du boy-scout Bluebottle, suivi par sortie à droite sous un tonnerre d'applaudissements.
J'espère que tu vas bien.
Nous avons survécu à un autre splendide hiver anglais. Quand commence déjà l'été cette année ? Je suis très occupé depuis Noël, en plus du travail pour l'école. Tu sais combien j'aime Chuck Berry, et je t'avais dit que je pensais être le seul fan à des kilomètres à la ronde, or l'autre matin à la gare de Dartford, j'avais un disque de Chuck à la main, et un gars que j'ai connu à l'école primaire, entre sept et onze ans, s'est approché de moi. Il a tous les disques de Chuck Berry, et ses potes aussi, c'est tous des fans du rhythm'n'blues, je veux parler du vrai R&B (pas les merdes comme Dinah Shore et Brook Benton), Jimmy Reed, Muddy Waters, Chuck, Howlin' Wolf, John Lee Hooker, tous les bluesmen de Chicago, tout ce qui se fait de mieux, merveilleux. Bo Diddley, c'est un autre grand.
Donc, le type de la gare s'appelle Mick Jagger et plein de filles et de mecs se retrouvent tous les samedis matin dans une boîte, le Carousel, et un matin de janvier je passais par là et j'ai voulu voir s'il était là. Tout le monde voulait me parler, et je me suis fait inviter à une dizaine de fêtes. Mick est le meilleur chanteur de R&B de ce côté-ci de l'Atlantique et je pèse mes mots. Je joue de la guitare (électrique) à la Chuck. On a un bassiste et un batteur et une guitare rythmique et on répète deux ou trois soirs par semaine. ÇA SWINGUE.
Bien sûr ils ont tous de l'argent et vivent dans de belles baraques, il y en a même un qui a un valet de chambre ! Je suis allé le voir avec Mick (en voiture, bien sûr, la voiture de Mick, pas la mienne, bien sûr). LA VACHE, QUELLE LANGUE IMPOSSIBLE ON DOIT PARLER!
"Puis-je vous servir quelque chose, sir?
— Une vodka citron, siouplaît.
— Certainement, Sir."

J'avais l'impression d'être un lord, j'ai presque demandé ma couronne en partant.
Ici tout va bien.
Je n'arrête pas d'écouter Chuck Berry. J'ai acheté un de ses LP direct chez Chess Records, à Chicago, ça m'a coûté moins cher qu'un disque anglais.
Bien sûr; ici on a toujours les vieilles croûtes, tu vois qui je veux dire, Cliff Richard, Adam Faith et les deux nouvelles étoiles Shane Fenton et John Leyton. JAMAIS ENTENDU PAREILLE MERDE. Sauf pour ce Rital de Sinatra ha ha ha ha ha ha ha.
Au moins je ne m'ennuie plus. Samedi prochain je vais à une fête qui doit durer toute la nuit.
"J'ai maté ma toquante
Quatre plombes cinq,
Mec, j'savais plus vraiment
Si j'étais mort ou vivant."

Citation: Chuck Berry, "Reeling and a Rocking".
40 litres de bière, un tonneau de cidre, 3 bouteilles whisky, vin. Papa maman sont partis pour le week-end, je vais tuwister jusqu'à tomber raide (et j'en suis ravi).
Le samedi suivant, Mick et moi, on emmène deux filles dans notre club de rhythm-n'blues préféré, à Ealing, dans le Middlesex.
Il y a là un gars qui joue de l'harmonica électrique, Cyril Davier, fabuleux, toujours à moitié bourré, mal rasé, il joue comme un fou furieux, génial.
Bon, je n'arrive plus à trouver quelque chose d'ennuyeux à te raconter, alors j'arrête.
Bonne nuit, chers téléspectateurs. GRAND SOURIRE. Bises.
Keith xxxxx
Oui d'autre que moi pourrait écrire un tel tissu de conneries?

(Keith Richards, Lettre à sa tante Pat, avril 1962)

Photographie Deborah Feingold, Keith Richards (détail)


Voila!! les vacances sont terminées ... Ce blog reprendra sa vie de blog dès lundi ...







jeudi 30 août 2012

Territoire à l'ouest ...

L'objet de votre mission est d'explorer le Missouri et le principal de ses affluents : par son cours et son accès aux eaux du Pacifique, le Missouri offre le mode de communication le plus direct et le plus praticable au point de vue du commerce à travers le continent.

(Thomas Jefferson, Instruction au capitaine Lewis, 20 juin 1803)

Far West chez Phebus libretto
Le parcours

C'est un livre publié en 2000 ... Le journal de la première traversée du continent nord-américain de 1804 à 1806. Les deux personnages sont magnifiques ... Le capitaine Meriwether Lewis et le capitaine William Clark. La mission de Jefferson est impossible ... je ne parle pas du danger, il est incommensurable ...  Non je parle de la Quête de la Connaissance...   Il y a le politicien Jefferson qui veut tout tout connaitre … la géographie du territoire, les indiens, les coutumes, les langues, les relations entres tribus etc... Et il en ajoute ... Il y a un passage dans la lettre de mission qui me laisse rêveur et que scientifique et homme des lumières Jefferson désigne comme "digne d’intérêt", voyez plutôt ...
— Le sol de la région, sa végétation et ses produits, notamment ceux qui n'existent pas aux Etats-Unis:— Les animaux de la région en général, et plus particulièrement ceux qui n’existent pas aux Etats-Unis ;— Les vestiges de ceux que l'on peut considérer comme rares ou disparus, et les récits qui les concernentLes produits minéraux de toutes sortes, mais plus particulièrement les métaux, le calcaire, la houille et le salpêtre, les salines et les eaux minérales, avec la température de ces dernières et tout ce qui pourra offrir des indications sur leur nature— Les informations volcaniques :— Le climat tel que l'indiquent le thermomètre, la proportion des jours pluvieux, nuageux ou clairs, la foudre, la grêle, la neige, la glace, le début et la fin du gel, les vents prédominants aux diverses saisons, les dates auxquelles certaines plantes produisent ou perdent leurs fleurs ou leurs feuilles, la date d'apparition de certains oiseaux, reptiles ou insectes. 
Un regard sur le territoire comme rarement réalisé ... Bref une aventure de rêve... et je ne peux m'empêcher de me dire " Mais pourquoi ils ne m'ont pas emmené avec eux ..."

Extrait du journal de William Clark le 10 octobre 1805. 
— Belle matinée. Nous avons chargé les canoës et sommes partis à 7 h. À huit milles et demi en aval, nous sommes tombés sur un très mauvais rapide. Comme nous avions déjà dépassé deux îles et six rapides, dont plusieurs mauvais, nous avons jugé plus prudent de faire halte près de huit cabanes de Nez Percés, sur bâbord, pour examiner les roches à fleur d'eau. Deux canoës ont franchi le passage sans difficulté. Le troisième a heurté un rocher et il nous a fallu uneheure pour le dégager sans qu'il ait subi d'autre dommage qu'une légère déchirure, très vite réparée.
Nous avons acheté du poisson et des chiens aux Indiens, et nous sommes repartis après avoir déjeuné. Il y avait parmi eux un homme venu des chutes de la Columbia qui a dit avoir déjà vu des Blancs. Il désirait beaucoup descendre la rivière avec nous, mais nous avons dû refuser son offre. Peu avant ce camp nous sommes passés devant une tente près de laquelle un Indien se baignait dans un petit trou d'eau, qu'il chauffait en jetant des pierres brûlantes. A cinq mille plus bas, et soixante milles en aval des fourches, nous avons atteint une branche qui doit être celle sur laquelle nous étions avec les Shoshones. Je peux voir à une certaine distance à bâbord une haute crête à la végétation éparse. C'est la seule partie boisée de cette région, car, aux fourches, on ne voit pas un arbre, et il en a très peu durant toute la descente de la Kooskooskee.
Une querelle qui semble avoir commencé comme une plaisanterie s'est élevée entre Charbonneau un de nos interprètes, et Jo et R. Fields.
Notre arrivée a très vite attiré l'attention des Indiens qui sont accourus de partout pour nous voir. Dans la soirée, l'indien des chutes que nous avions vu aux Rugged Rapids nous a rejoints avec son fils clans un petit canoë et a insisté pour nous accompagner jusqu'aux chutes. Comme nous en sommes réduits au poisson et aux racines, nous avons fait une expérience pour varier notre nourriture en achetant quelques chiens. Comme nous sommes habitués à la viande de cheval, nous n'avons pas beaucoup apprécié ce nouvel aliment. Les Chopunnish ont des quantités de chiens qu'ils emploient pour leur usage domestique, mais qu'ils ne mangent jamais. Aussi avons-nous bientôt eu le ridicule d'apparaître comme des mangeurs de chiens.
Les Indiens nous ont dit que la rivière était navigable sur soixante milles en amont ; que, non loin de son embouchure où nous nous trouvons maintenant, elle reçoit une branche venant du sud, et une autre branche plus importante à deux jours de marche. Cette branche s'appelle la Pawnashte et elle est le lieu de résidence d'un chef qui, à les en croire, a plus de chevaux qu'il n'en peut compter. La rivière a de nombreux rapides près desquels sont installées des pêcheries. Il y aurait dix établissements de cette sorte avant qu'on n'atteigne la première branche sud - un sur cette rivière, cinq entre celle-ci et la Pawnaslite. un sur cette dernière et deux au-dessus. Tous ces Indiens font partie de la nation des Chopunnish et habitent dans des tentes de forme oblongue, couvertes de toits plats.
Les Chopunnish ou Nez Percés sont des hommes solides et bien faits ; leurs femmes sont belles. Les hommes sont vêtus d'une tunique blanche en peau de bison ou d'élan, décorée de perles, de coquilles marines et de nacre, avec des perles également piquées dans leurs cheveux ou cousues sur un morceau de peau de loutre qu'ils portent autour du cou. Leurs cheveux sont divisés en deux nattes qu’ils portent par-dessus leurs épaules. Ils arborent des plumes et des peintures qu'ils trouvent dans leur région,  en général du blanc, du vert et du bleu clair. Quelques-uns portent une chemise faite de peaux travaillées et de longues jambières, ainsi que des mocassins peints. Cela semble être leur tenue d'hiver, avec autour du cou un collier d'herbes tressées.
Les femmes sont vêtues d'une chemise en peau de mouflon qui descend jusqu'aux chevilles, retenue par une ceinture. Leurs coiffures sont sans ornements. Leurs chemises sont décorées de petits morceaux de cuivre de formes différentes, de perles, de coquillages et d'os curieux. Les hommes exposent les parties du corps que les autres peuplades dérobent généralement à la vue, mais les femmes sont plus soucieuses de dissimuler ces parties qu'aucune autre nation que j'aie vue.
Ils ne semblent avoir que peu de distractions. Connue leur situation nécessite les plus grands efforts pour se procurer de la nourriture, c'est à quoi ils s'emploient la plupart du temps. Tout l'été et l'automne, ils pêchent le saumon. L’hiver ils chassent le daim en parcourant les plaines sur des raquettes et s'occupent de leurs innombrables chevaux. Au printemps, ils franchissent les montagnes pour gagner le Missouri et se procurer la chair et les peaux de bisons. C'est alors qu'ils rencontrent bien souvent leurs ennemis et perdent leurs chevaux et bon nombre des leurs.
Leurs maladies sont rares, et de nature scrofuleuse. Ils font grand usage de bains chauds et froids. Ils sont très intéressés et disposent avec parcimonie de ce qu'ils ont à manger ou à porter. Ils s'attendent à recevoir quelque chose pour tout ce qu’ils offrent ou pour les services qu'ils rendent, si modestes soient-ils, et ils sont peu enclins à faire un geste réciproque.
Linum lewisii (lin de lewis) déterminé par Meriwether Lewis ...
 

mardi 28 août 2012

Le corse ne file pas droit ...

Le bourg de Pietranera est très irrégulièrement bâti, comme tous les villages de la Corse ; car, pour voir une rue, il faut aller à Cargèse, bâti par M. de Marbeuf. Les maisons, dispersées au hasard et sans le moindre alignement, occupent le sommet d'un petit plateau, ou plutôt d'un palier de la montagne. Vers le milieu du bourg s'élève un grand chêne vert, et auprès on voit une auge en granit, où un tuyau en bois apporte l'eau d'une source voisine.
(Prosper Mérimée, Colomba, 1840)

 
De quoi il se mêle le père Prosper … ? Oui, en Corse rien est droit ! Et alors!  Prosper Mérimée nous cite le village de Cargèse qui n'est pas proprement dit un exemple d'architecture corse. Cette année, j'ai visité la maison d'un ami dans le Cap Corse. Le verger et le potager constituaient un jardin de 5 ou 6 terrasses, la construction datait de la fin du 19e siècle … un travail considérable de terrassement, d'apport de terre, de construction de mur, d'escalier … un système hydraulique pour amener l'eau d'une source située à 3 kilomètres … bref! Un gros travail d’aménagement. Et bien, aucun des murs n'étaient droits ... alors que c'était loin d'être le plus difficile à faire… Il faut s’arrêter la dessus, analyser, éviter de faire comme l'abbé Gaudin qui dans son voyage en Corse ramène tout à la "paresse des Corses" (pauvre idiot) Non, il y a un quelque chose que le non corse ne comprend pas dans cette absence de régularité … elle n'est pas nécessaire, elle répond à une philosophie, à un esthétisme ignoré en Corse … regardez l'église de Murato, un chef d’œuvre d'architecture polychromes corse … notez l'irrégularité de la disposition des pierres blanches et vertes … une merveille!

l'église San Michele di Muratu,  le clocher est remanié au XVIIIe siècle

je me souviens d'une histoire …
Un jour, un corse nommé Jean-Joseph (jardinier amateur éduqué aux techniques horticoles à la Française) décide, après avoir vécu toute sa vie sur le continent de prendre sa retraite dans le village corse de ses origines ... Là, il entreprend, sur un des terrains de son père, de faire son potager. Le terrain est situé au centre du village en contrebas d'un mur. Les villageois bien sur l'observent... déjà, il y a la bêche "Mais qu'est-ce que tu fais avec ta petite pelle?", s'interroge l'un d'eux.
"Je bêche, enfin je laboure", répond Jean-Joseph.
"Et tu te sers de ça pour labourer?", en corse la houe est préférée à la bêche ...
Les jours passent, enfin arrive le jours du semis. Jean-Joseph prend un cordeau et le fixe pour tracer son rang.
"Mais qu'est-ce que tu fais avec ta ficelle,", s’interroge un autre.
"Et bien, c'est pour semer", rétorque jean-Joseph.
"Tu as besoin d'une ficelle pour semer !", s'exclame un autre qui ne comprend pas le pourquoi de la manœuvre
"Oui", répond Jean-Joseph "pour que ça soit droit"
" Et pourquoi veux-tu que ça soit droit ? ", rire général ...

Mais oui ! Pourquoi ?
Potager dans la région du Nebbiu en Corse

lundi 27 août 2012

Les amateurs de Cactus ...

Si je les appelle sectaires, ce n'est pas parce qu'ils cultivent les cactus avec grand amour : cet état de fait peut être qualifié de passion, d'originalité ou de manie. L'essence du sectarisme, ce n'est pas de faire quelque chose avec passion, mais c'est de croire en quelque chose avec passion, Il y a des amateurs de cactus qui croient à la poussière de marbre, tandis que d'autres croient à la brique pilée et d'autres encore au charbon de bois : il y a d'autres secrets plus profonds de la « Vraie Terre à Cactus » qu'aucun initié ne vous révèlera jamais, dût-il être roué. 
Toutes ces sectes, ces observances, ces rites, ces écoles, ces loges, ainsi que les amateurs sauvages ou cénobitiques vous jureront que ce n'est qu'à leur méthode personnelle qu'ils doivent des résultats aussi miraculeux que ceux qu'ils ont obtenus. « Regardez un peu cet Echinocactus Myriostigma. Avez-vous jamais vu chez personne autre un Echi­nocactus Myriostigma pareil? Allons, je vais vous le dire, à la condition que vous me gardiez le secret: il ne faut pas l'arroser, il faut l'humecter seulement. 
Voilà. - Comment, s'écrie un autre affilié, qui a jamais entendu dire qu'il faille humecter l'Echinocactus Myriostigma? Vous voulez donc que son sommet se refroidisse? Oh, oh, monsieur, si vous ne voulez pas que votre Echinocactus tombe en pourriture, vous ne devez l'humecter qu'une fois par semaine, et cela en le posant avec son pot dans une eau à la température de 23°,89. Et alors, il poussera d'une façon miraculeuse. — Jésus, mon Dieu, s'écrie alors un troisième, regardez-moi cet assassin. Si vous mouillez votre pot, monsieur, il se couvrira d'algues vertes, la terre s'aigrira et vous serez dans le pétrin, oui, dans le pétrin; en outre les racines de votre Echinocactus Myriostigma se mettront à pourrir. Si vous ne voulez pas que votre terre s'aigrisse, il faut que vous l'arrosiez tous les deux jours avec de l'eau stérilisée, dans la proportion de 0,111111 gramme d'eau par centimètre cube de terre et cette eau doit être d'un demi-degré plus chaude que l'air ambiant. 

Après quoi les trois amateurs de cactus se mettent à crier tous ensemble et à s'attaquer les uns les autres avec les poings, les dents, les sabots et les griffes ; mais de la façon dont vont les choses ici-bas, ces moyens énergiques ne sont pas plus aptes que les autres à révéler la vérité vraie. 

Il est vrai que les cactus méritent cette extraordinaire passion, et d'abord parce qu'ils sont mystérieux. La rose est belle, mais elle n'est pas mystérieuse. Les plantes mystérieuses comprennent, en particulier, le lis, la bruyère dorée, l'Arbre de la Connaissance, les vieux arbres d'une manière générale, certains champignons, la mandragore, les plantes glaciaires, les herbes empoisonnées et les plantes médicinales, les nénuphars blancs, le mesembrianthema et les cactus. En quoi consiste leur caractère mystérieux, je ne vous le dirai pas; il faut reconnaître le mystère pour pouvoir le trouver et le vénérer. Et puis, il y a des cactus qui ressemblent à des oursins, à des concombres, à des courges, à des candélabres, à des pots, à des barrettes de curé, à des nids de serpents; il y en a qui sont couverts d'écailles, de tétines, de touffes de poils, de griffes, de verrues, de baïonnettes, de yatagans et d'étoiles; il y en a qui sont trapus et d'autres étirés; les uns sont hérissés comme un régiment de lanciers, les autres tranchants comme une troupe qui brandit le sabre; vous en voyez qui sont gonflés, ligneux, ridés, barbus, bourrus, épineux comme des abatis d'arbres, tressés comme des paniers, semblables à des tumeurs, des animaux ou des armes : c'est la plus mâle de toutes ces plantes, portant des graines chacune selon son espèce, qui furent créées le troisième jour (Qu'ai-je fait là? dit ensuite le Créateur, étonné lui-même de ce qu'il avait créé). Vous pouvez les aimer sans pour cela les toucher d'une façon inconvenante, les embrasser ou les serrer contre vous : ils ne tiennent pas à l'intimité ou autres frivolités de ce genre; ils sont durs comme pierres, armés jusqu’'aux dents, résolus à ne pas se rendre:« Passe ton chemin, face pâle, ou je fais feu. » Une petite collection de cactus prend tout de suite l'air d'un camp de lutins belliqueux. Si vous coupez la tête ou la main à quelqu'un de ces guerriers, il naîtra de la plaie un nouveau combattant brandissant épée et dague. La vie est un combat. 

Mais il y a des instants mystérieux où ce rebelle susceptible et rétif s'oublie en quelque sorte et s'endort; il laisse pousser alors une fleur, une fleur grande et brillante, une fleur qui a l'air d'un prêtre entre ces armes levées à bout de bras. C'est là une grande grâce et un événement rare qui ne se produit pas pour n'importe qui. Croyez-moi, la fierté maternelle n'est rien devant l'orgueil et la vantardise d'un amateur qui a vu un de ses cactus fleurir.

(Karel Čapek, L’année du jardinier, 1929)

vendredi 24 août 2012

Vacances ... Bretagne... l'hyperTopos

Lancelot  s'enfonça à trois lieues et demie dans la forêt, jusqu'à midi ; à cette heure précise, il rencontra, debout dans le chemin, un homme qui vint au-devant de lui. Jamais on ne vit pareille créature. Il était absolument nu, si pauvre qu'il n'avait vêtement ou haillon pour couvrir ses os ; on lui voyait le ventre aussi bien que le dos ; la misère ne lui avait pas laissé le moindre morceau de lin ou de laine, mais sa barbe avait poussé, longue et blanche, jusqu'à la ceinture, et ses cheveux lui tombaient sur les épaules. Ce qui le rendait encore plus hideux, ce mâle, c'est qu'il était velu comme une bête, sur le dos, le ventre, le buste, les pieds, les jambes, les bras ; non, il n'avait ni lin, ni chanvre pour se couvrir. Il pouvait à peine ouvrir les yeux ; il était si débile et si vieux qu'il pouvait avoir au moins deux cents ans ; de la mousse lui sortait des oreilles. Lancelot le regarda avec stupeur : il était si maigre, sa peau était si dure et si rugueuse, sous laquelle ses os saillaient ! Lancelot lui demanda depuis combien de temps il était là : 

— Il y a bien cent ans passés, répondit-il. 

Lancelot reprit : 

— Pourriez-vous, par charité, m'indiquer où passer la nuit? 

— Ma foi, non ; une grande journée à cheval ne vous mènerait à rien, bourg, village ou maison, excepté à une abbaye, qui se trouve dans cette vieille forêt antique ; mais même là, votre cheval ne pourrait vous mener aujourd'hui. Si donc vous vouliez rester avec moi, j'en serais fort heureux ; certes, j'aurais grande joie à avoir ce soir un hôte comme vous. Ne méprisez pas ce que je vous offre ! Voici la cabane où j'habite. Je vous ferai une soupe de légumes, et j'y mettrai cuire les entrailles d'un chevreuil, bien nettoyées, que des chasseurs m'ont laissées il y a quatre jours, je crois ; je les gardais pour le dimanche, et c'est dimanche aujourd'hui. Vous serez bien traité: elles sont très bonnes, ces entrailles ; presque pas de vers ; il n'y en aurait même pas du tout si c'était l'hiver. Je vous donnerai aussi beaucoup de bon pain d'orge ; j'en ai acheté avant-hier, sur ce chemin, à un pèlerin, quinze miches pour un denier que me donna un marchand qui était passé là aussi. Mais je n'ai plus le moindre denier ni la moindre maille. Acceptez, c'est de bon cœur ! Certes, vous avez beaucoup de chance, car il y a bien deux ou trois ans que je n'ai vu ni pain ni farine. Acceptez, cela vous portera bonheur! 

Mais Lancelot lui répondit : 

— Je ne te prendrai rien, j'irai à l'abbaye. Parle-moi plutôt de cette terre. 

— Seigneur, c'est Brefeni, une terre pleine de violence. La faiblesse de la seigneurie fait qu'il y a quantité de voleurs et de brigands. Il est bien étonnant que vous ayez encore votre cheval, à cheminer ainsi solitaire. Avec un bon guide, vous pourriez entrer demain en Conart ; dans ce pays-là, on est plus libre, la violence n'y règne pas ; car un roi puissant le gouverne, noble et vaillant chevalier aussi ; il inspire une grande crainte aux voleurs et aux brigands : il en a pendu des quantités aux fourches et n'importe où. Si vous pouvez arriver jusque là, grand bien vous adviendra sans doute, car il y a davantage de chevaliers. On vous y retiendra bien, et je pense que c'est ce que vous recherchez. 

 Je m'en vais, que Dieu vous garde, répond Lancelot sans plus attendre. 

Et le brave homme, qui n'en peut plus, pleure de pitié, et jette de profonds soupirs ; car il comptait lui faire beaucoup de bien. Nous l'avons souvent entendu dire : quand on est démuni de tout, un petit bienfait paraît très grand ! Ce brave homme, qui avait proposé à Lancelot de le Ioger et de partager avec lui ce que Dieu lui avait donné, pensait donc ainsi. Lancelot ne daigna pas accepter ; mais avant qu'il atteigne une terre cultivée, je crois que s'il avait pu tenir la pâture en question, il lui aurait vite fait sentir ses dents : il ne mangea pas de toute la journée, chevauchant jusqu'à vêpres.

(Anonyme, La légende arthurienne, Les merveilles de Rigomer VI: Rencontre du viel homme nu)
Le site de Locuon
Plantes sur les parois de granite
La source et la voie romaine reliant Carhaix

Ajout contemporain pour guider l'eau
 Rares sont les lieux aussi mystiques! Locuon, ce n'est pas un jardin c'est du temps passé ... Une ancienne carrière de granite de l'époque Gallo-romaine ... avec une chapelle bien plus tardive...Il y a dans cet hyper lieu toute la magie bretonne, on s'attend à croiser Uther Pendragon dans son armure Arnemetia sortir de l'eau de la source ... Pas de doute possible, à Locuon, la Légende, le Fantastique, la Création,le Divin ne sont pas loin... Mais comment ne pas penser aux jardins? Aux vieux jardins que le temps a modelé patiemment? Comment intervenir ? Pourquoi intervenir? que faire à part ne rien faire ? ...

mercredi 22 août 2012

Haro sur les voliges ...

je n'aurai pas de peine à prouver que la figure de nos jardins doit être agréable ; il est nécessaire que les yeux y trouvent d'abord de quoi être content et qu'il n'y ait rien de bizarre qui les blesse ...
(Jean-Baptiste la Quintinie, Instructions pour les jardins fruitiers et potagers,1690)



Construction d'un parterre avec voliges au jardin Willanow
Fausse découpe... en fait ébarbage... 
Parterres de la Villa Medicis et le jardin de William Wordsworth
Sans voliges, après découpe par le jardinier et installation de Voliges en fer dans une allée
Toute la poésie des parterres de la Villa Ephrussi de Rotschild

Je l'ai déjà dit et je le redis ... je n'aime pas les voliges ... Mais il ne faut pas confondre voliges de propreté et voliges de composition. Cette dernière a sa place dans les jardins co:mme ici à la Villa Médicis ou dans les jardins de William Wordsworth en Angleterre... Ces Voliges sont une partie intégrante de la composition, ce sont des bordures délimitant la composition... semblable à une banquette de gazon, une bordure de buis ou autres plantes … La volige que je nomme "de propreté ou technique" n'a rien à voir avec la composition ... Certes, elle est pratique car elle permet de reproduire facilement et de conserver le dessin... on peut dire aussi que cela facilite l'entretien …... C'est justement là que se pose l'utilité d'une volige , ce coté pratique n'a pas un grand intérêt. Figer dans le temps le dessin d'un parterre par une structure quasi armée est une idée ridicule... le parterre est une écriture du moment, un parterre c'est la possibilité d'un renouvellement facile des formes, de l'ambiance… avec ou sans fleur ...  topiaires ou pas topiaire … le parterre est un peu comme un potager que l'on peut redessiner chaque année si on le souhaite … Bon d'accord ! le parterre de Versailles, de Vaux le Vicomte ou de Champs on évitera de faire ça chaque année… bien que Champs a connu tout de même quatre parterres différents au cours du XXe siècle … bref! C'est une écriture que l'on peut reprendre tant qu'on veut … A Willanow, c'est une restitution de parterres que l'on fige pour très longtemps … Là franchement il y a de quoi hurler … figer un parterre est déjà un non sens alors le restituer … il ne faut pas avoir grand chose à dire de nouveau… mais je reviens à mes voliges … ce que je leurs reproche c'est encore une fois d'écarter le travail de l'homme du jardin, exit encore une fois le jardinier qui découpe ses bordures, qui découpe sachant que son travail ne sera visible que quelques jours... Le jardinier a compris que l'important n'est pas la propreté ni la technique ni la performance ... Non l'important dans un jardin c'est la poésie ...

lundi 20 août 2012

Dialogue de Maitres ...

Le jardin régulier classique d'aujourd'hui ...
(La vie à la campagne, Les jardins d’aujourd’hui,15 mars 1914)

VOUS AVEZ CONSTATÉ la presque unanimité avec laquelle les préférences des Jardinistes se sont affirmées pour le style régulier. Mais dans quel esprit? Là encore leur opinion est précieuse. C'est pourquoi je leur ai posé la question suivante : Êtes-vous d'avis de rétablir autour d'une Demeure des 16e, 17e, 18e siècles un Jardin régulier dont les lignes ont été détruites, et dans quelle mesure. 

Voici d'abord l'avis et les raisons de ceux qui considèrent que cette restitution, tout au moins partielle, est justifiée; mais aussi qu'une composition dans le même esprit peut être faite à défaut de documents, de traces ou d'indications. 

« Je suis toujours d'avis de rétablir autour d'une Demeure de style un Jardin régulier dans le style de l'habitation. Si on retrouve des documents et que la composition de ces derniers ait une réelle valeur, il vaut certainement mieux faire une restauration. Il est préférable, toutefois, de reprendre l'ancien dessin, même d'une composition médiocre, pour éviter la critique. Dans le cas contraire, préférer une création dans l'esprit de l'époque. » (A. Duchêne.) 

« Si d'authentiques documents anciens existent, il importe de faire une restauration littérale jusque dans les moindres détails, pour autant que l'état des lieux et l'espace disponible le permettent encore. A défaut de documents formels, si de suffisants indices peuvent être mis à jour, ou s'il n'est plus possible de procéder à cette reconstitution conforme aux documents, il importe de rétablir tout ce que l'on pourra remettre en place et , pour le reste, d'inventer des dispositifs qui soient rigoureusement orthodoxes selon le style et parfaitement en harmonie avec les reliques, en composant avec respect, modestie, abnégation, en mettant la plus grande érudition au service d'une fraicheur de sentiment qui ne le cède en rien à l'intelligence et à l'ingéniosité qu'une tâche aussi délicate requiert. Enfin, si les documents authentiques font défaut ou si les traces sont indéchiffrables, même si rien n'indique qu'il existât jamais de Jardins importants autour de la maison, on peut risquer peut-être, sous l'empire d'une passion archéologique, d'en imaginer de toutes pièces, en ne le faisant qu'à bon escient. » (L. van der Swaelmen.) « Oui, dans la plus large mesure, pour les Jardins du 17esiècle, tout en tenant compte de nos besoins et de nos goûts ; mais je chercherais dans la limite des possibilités à retrouver le premier tracé et à le reconstituer dans son ensemble. » (E. Touret.) « Oui, il faut rétablir le Jardin régulier l'époque, le plus complètement possible qu'il existait. » (J. Janlet.) « Conserver, entretenir et rétablir, mais ne jamais compléter (G. Wybo.) 
Seneffe, Belgique

Voici maintenant ce que pensent les Jardinistes qui croient devoir faire quelques réserves en raison des éléments nouveaux dont dispose aujourd'hui. « Mon opinion est qu’il est désirable de rétablir les lignes originales d'un vieux Jardin quand cela est possible mais ici se pose la question : dans quelle proportion les fleurs peuvent-elles être introduites dans le nouveau projet, puisqu'elles ne formaient pas partie du Jardin original. A cela, je répondrai que les fleurs sont de nos jours sont indispensables et que les anciens plans de Parterres doivent être refaits pour qu'elles y trouvent place. Les Bosquets, les Fontaines, les Terrasses et tous les autres traits de vieux Jardins peuvent être exactement restaurés » (Inigo Triggs.) 

« Je suis d'avis de rétablir autour d’une Demeure des 16e, 17e et 18e, siècles, un Jardin régulier, dont les lignes ont été détruites ; toutefois, j'admets parfaitement que celles-ci ne soient pas reconstituées servilement, les croyant dans la plupart des cas perfectibles ; d'autre part, je tiendrais compte des beaux arbres existants et des futaies (L. Decorges). 

« Oui, s'il n'y a pas danger de mettre à nu des extérieurs s'harmonisant mal avec l’avant plan par le fait de la suppression de plantations d'un autre caractère ; si la forme et relief du terrain s’y prêtent ; si un entretien convenable peut être assuré. » (J. Buyssens) 

« Oui, si c'est une œuvre remarquable; cependant une adaptation à nos goûts et besoins est souvent nécessaire et, eu égard à la tradition, la copie absolue ne s'impose pas. Les vieux Jardins peuvent être agréables; ils le sont par l'aspect que le temps leur a octroyé, mais ils ne répondent pas toujours à nos idées actuelles, et il est quelquefois utile de les modifier quelque peu. » (A. Loizeau.) 

« La restauration d'un Jardin autour d'une Demeure des 16e, 17e et 18e siècles, a relativement la même valeur que la restauration de la Demeure. Quelquefois il est difficile de rester conséquent avec soi-même en voulant tenir compte des exigences modernes; mais, quand la division ancienne du terrain disperse plusieurs Jardins sur différents points du terrain, comme cela était souvent le cas dans les temps écoulés, il y a moyen de faire des Jardins différents, qui s'unissent au Parc et donnent, pour l'emploi pratique, ce que l'on peut désirer. » (Jonkeer H. van Sypesteyn.) 

«Assez rarement il est possible de rétablir l'unité artistique entre les restes d'un Jardin régulier et la partie nouvellement créée. Si des allées séculaires peuvent encadrer des parties régulières, on peut parfois produire quelque chose de très beau. » (L. Copyn.) 

« S'il s'agit d'œuvres d'art importantes et où la possibilité de reconstitution existe, le rétablissement est justifié. Mais, dans le plus grand nombre des cas, le rétablissement est condamnable. Un bon artiste peut créer quelque chose de nouveau et de contemporain, en s'appuyant sur l'art d'autrefois, de sorte qu'une nouvelle œuvre naît de l'ancienne. A l'époque du style Rococo, les artistes de ce temps n'ont pas craint de placer des autels rococo dans des dômes gothiques. Dans cet esprit, ils pouvaient créer une œuvre originale; dans l'esprit du gothique, ils ne l'auraient pas pu. » (Hoemann.) 

AMÉLIORER, NE PAS DÉTRUIRE. Mais une question se pose encore : faut-il détruire un très beau Parc pour rétablir des ordonnances régulières ? L'avis de M. Vacherot, sur ce point, est qu'il ne faut pas créer sur des ruines. De son côté M. René-Edouard André propose de résoudre la question d'une façon tout à fait logique : « S'il s'agit d'une ancienne Demeure des 16e,17e ou 18e siècles, qui, à cette époque, était entourée de Jardins réguliers, dont les lignes ont été détruites, faut-il rétablir ces lignes et revenir au premier plan ? On ne peut répondre à cette question d'une façon absolue. Il nous a été donné de voir un grand nombre de propriétés dont les anciens plans conservés montraient une ordonnance régulière exécutée au 17e ou au 18e siècle et qui, plus tard, au cours du 19e siècle, ont été transformées dans le style paysager. Quelques-unes de ces propriétés, traitées par des maîtres comme Varé, Bulher, sont devenues des chefs-d’œuvre en leur genre : des allées aux courbes harmonieuses les sillonnent, des groupes d'arbres devenus magnifiques encadrent les vues soigneusement choisies, des cours d'eau, des lacs, dont les contours ont été artistement dessinés, forment des tableaux qui enchantent. 
Parc du Château de l'Orfraisière
Faut-il, sous prétexte que la mode est revenue au style régulier, détruire tous ces beaux ombrages supprimer ces contours harmonieux, revenir aux lignes droites tant pour les chemins que pour les eaux? Faut-il détruire un objet d'art pour en reconstituer un autre qui ne peut peut-être faire son effet complet qu'après un long espace de temps? Mon avis est qu'il faut être plutôt conservateur en ce cas que destructeur. Qui sait si, après la grande vogue des Jardins réguliers, ne reviendra pas un nouveau regain d'actualité pour les Jardins irréguliers et si nous ne serions pas à notre tour accusés par nos successeurs d'avoir détruit un Parc magnifique créé par des prédécesseurs de grand talent? Si, par bonheur, on peut, autour d'une Demeure de style, réserver un espace suffisamment vaste pour y dessiner un nouveau cadre se rapprochant de plus près du caractère de la construction, sans cependant détruire les lignes harmonieuses du Parc irrégulier, on a trouvé une formule qui donne satisfaction à l'esprit et au goût, sans toucher à un ensemble intéressant et beau. Cette formule, qui est celle du style composite, ne doit s'appliquer que si l'on peut donner à chacun des deux styles son caractère bien déterminé dans un espace suffisant. Il ne suffit pas, en effet, pour encadrer une demeure de style, de dessiner en avant d'elle un seul Parterre de petite surface, dans lequel on multiplie la décoration florale, il faut encore que tous les abords : allée d'accès, terre plein, départ des allées de promenade, terrasses, etc., soient conçus dans un style analogue à celui de la construction, En d'autres termes, il faut pouvoir retrouver sur un espace limité, mais cependant suffisant, un cadre complet, indépendant du reste de la Propriété, de façon que la nature reprenne ses droits à une distance convenable de la construction. » 

mercredi 15 août 2012

Bruno Réquillart

Bruno Réquillart (né en 1947) Faune pressant une grappe

Photographies au jardin, 1851-1987, expositions jusqu’au 31 août, accès gratuit.
Maison Hennessy, quai Maurice-Hennessy, Cognac (Charente).
Tél.: 05-45-35-73-48.
Maison Moët & Chandon, 18, avenue de Champagne, Epernay (Marne),
Tél.: 03-26-51-33-39

lundi 13 août 2012

René-Jacques

René-Jacques (1908-2003)
Cascade du Parc de Sceaux (Hauts-de-Seine)

Photographies au jardin, 1851-1987, expositions jusqu’au 31 août, accès gratuit.
Maison Hennessy, quai Maurice-Hennessy, Cognac (Charente).
Tél.: 05-45-35-73-48.
Maison Moët & Chandon, 18, avenue de Champagne, Epernay (Marne),
Tél.: 03-26-51-33-39

jeudi 9 août 2012

Daniel Boudinet

Daniel Boudinet (1945-1990)
Dans le parc de Little Sparta Dumsyra (Ecosse), 1987

Photographies au jardin, 1851-1987, expositions jusqu’au 31 août, accès gratuit.
Maison Hennessy, quai Maurice-Hennessy, Cognac (Charente).
Tél.: 05-45-35-73-48.
Maison Moët & Chandon, 18, avenue de Champagne, Epernay (Marne),
Tél.: 03-26-51-33-39

mardi 7 août 2012

Gustave William Lemaire,

Gustave William Lemaire, Les serres de l'ancien château de Richelieu, 1900, 1920
Photographies au jardin, 1851-1987, expositions jusqu’au 31 août, accès gratuit.
Maison Hennessy, quai Maurice-Hennessy, Cognac (Charente).
Tél.: 05-45-35-73-48.
Maison Moët & Chandon, 18, avenue de Champagne, Epernay (Marne),
Tél.: 03-26-51-33-39

lundi 6 août 2012

Vacances ... Visite ... Suisse


COMPOSITION D'ESPRIT POSITIF
La disposition d'un Jardin d'utilité sont les bases d'un aménagement dans la formule allemande moderne par M. Schubiger, à Uznach, Suisse.
(M. Ammann, arch.)

Regardez le plan du Jardin que M. Ammann, Directeur des Services d'architecture de Jardins de MM. Frorbel, a étudié pour M. Schubiger, à Uznach, dans l'esprit de l'école allemande moderne, et vous constaterez une différence notable avec la concept en française du Jardin régulier.


Ici pas de recherche d'une ordonnance d'ensemble, d'équilibre absolu et de correspondance, mais une appropriation des différentes parties à toutes fins utiles, parfaitement comprise pour le but auquel elles sont destinées.
Cette manière substitue au principe de la composition, d'après des axes ou des centres, des dispositions qui se raccordent mais qui ne sont pas forcément sous la dépendance directe les unes des autres, encore que, dans ce plan, une ou deux longues allées semblent constituer un lien. Elle n'est pas sans intérêt cependant, car le souci du détail y est évident et l'exécution en est très poussée. D'autre part, le côté pratique, utilitaire même, s'en dégage comme une dominante, ce qui, sans rapprocher cette manière de la formule anglaise du Jardin de Cottage, l'éloigne considérablement de l'esprit des Jardins réguliers classiques français, où la parure domine. Les arrangements du Potager, du Verger, comptent autant que ceux des parties de plaisance, exemptes de banalité ; le jeu des terrasses, avec leurs talus, leurs 4-K irs bas et leurs emmarchements, est plein a imprévu.

L'ensemble de la propriété s'inscrit dans le périmètre d'un trapèze diagonalement orienté du Nord au Sud, et dont au Nord-Est s'allonge un coteau planté de Sapins, tandis que le terrain s'incline vers le Sud-ouest. La Villa est bâtie dans la partie la plus élevée au Nord; elle est ainsi abritée par le coteau et sa plantation de Sapins. Sa façade principale regarde le Sud-Est, devant laquelle s'échelonnent : un petit Parterre, formant une première plate-forme, un grand tapis de gazon en contre-bas formant une seconde plate-forme, au bout duquel s'allonge le Potager sur une troisième plate-forme. Devant l'autre façade regardant le Nord-Ouest sont situés des serres et des châssis sur une terrasse parfaitement abritée. Les autres dispositions du Jardin se succèdent du Nord-Ouest au Sud-Est. C'est, d'abord, à gauche de l'allée d'arrivée, un grand tapis de gazon avec, en contrebas, dans son prolongement, un Verger; et, près de la limite Sud, une allée desservant le Potager et ses dépendances. A gauche, un tapis de gazon forme un rappel à celui de droite, tandis qu'au second plan s'échelonnent, à peu pres parallèlement à la direction de l'allée qui gravit la pente en plan incliné, les compartimentations d'un Jardin de fleurs, d'une Roseraie et de Plates-bandes — ces dernières s'allongeant à la base d'une Pergola.

M. Ammann n'a cependant pas fait fi des principes d'agencement si logiques d'autrefois. C'est ainsi que l'arrivée et les abords de l'allée d'accès sont traités très sobrement jusqu'au terre-plein de la Demeure. Les dispositions décoratives étant situées à distance, si on les perçoit, on ne peut guère les contempler, les détailler. On n'en a sans doute pas la révélation complète au cours de la promenade ultérieure, mais au moins on a le plaisir de découvrir les particularités. Voici comment furent successivement établis les différents agencements de ce Jardin, exécuté sur deux années, et dont le point de départ fut un aménagement nettement utilitaire. Désirant agrandir son Jardin, qui comportait déjà deux dispositions de Parterres, qu'encadraient une vieille palissade d'Ifs et une tonnelle devant sa façade d'arrivée, le propriétaire en étendit les limites au Sud, afin d'y installer un Verger, un Jardin potager et de compléter celui-ci par un emplacement pour les composts et un pavillon destiné au rangement du matériel de jardinage.


La différence de niveau donna l'idée à M. Ammann d'établir un mur de soutènement entre le Potager et le Verger, qui mettait ainsi le premier en terrasse sur le second. Ce mur en façade, regardant le Sud-Ouest, était parfait pour établir des espaliers. Il couronna l'allée supérieure en bordure de ce mur d'une tonnelle fermée le long du verger et ouverte sur le côté qui regarde le Jardin potager. Cette tonnelle, qui se relie au départ par un pavillon de treillage à celle devant la façade de la maison, a comme aboutissement de plain-pied le premier étage du pavillon, nécessaire pour le rangement du matériel. Ce premier étage forme un pavillon d'Été, tandis que le dessous, encastré dans le mur de soutènement, s'ouvrant sur le Verger, constitue la remise à outils. L'emplacement pour les composts fut situé à l'angle Est. Ainsi le Parterre, qui avait déjà pour fond une Tonnelle, reste visuellement séparé du Potager que la Tonnelle masque de la maison, tandis que la nouvelle Tonnelle sépare le Potager du Verger.
Le Pavillon, ainsi situé en terrasse sur le Verger, constituait un emplacement d'où la vue pouvait découvrir ces deux Jardins utiles de légumes et de fruits, ce qui a motivé une cour amusante et dallée, avec sa fontaine, dont une haie de Lilas empêcha la vue de l'emplacement des composts. Afin que ces deux Jardins n'aient point une apparence exclusivement utilitaire, les Plates-bandes en bordure des allées principales furent réservées aux fleurs ; à gauche du Verger, on étendit une esplanade de gazon dont la partie supérieure, en raison de la différence de niveau, se trouve reliée par des talus avec le niveau des Parterres et de l'allée d'arrivée.
Devant la façade Sud-Ouest de l'habitation se succédaient les pelouses d'un vieux Jardin paysager avec, et au Nord, le vieux Jardin potager. C'est tout cet ensemble Glue le propriétaire jugea opportun d'aménager, l'année suivante, dans le goût des agencements déjà réalisés, et dont il avait su juger l'effet.
Pour établir une correspondance entre la partie à réaliser et celle exécutée l'année précédente, de même que pour cacher les serres, M. Ammann étudia une autre pergola-tonnelle, qui, au delà de la maison, semble la suite de la première, encore qu'elle ne soit pas sur le même alignement. A cette terrasse, il adjoignit un autre pavillon, traité d'une manière plus légère que le premier, et dont le toit correspond avec celui de la maison d'une propriété voisine, qui se trouve masquée. Ainsi, la façade Sud-Ouest ne la Demeure se trouve comme encadrée à distance par deux longues ailes.
Comme le terrain de ce côté était plus haut que celui de l'autre côté, que la première tonnelle était ouverte vers le Jardin-Potager, la nouvelle fut ouverte face à l'Ouest, et sa paroi de fond fut traitée en treillage serre pour mieux masquer les serres. Ce nouvel agencement devait servir de fond aux Plates-bandes. Roseraie et Jardin de fleurs projetés en contrebas sur trois plates-formes, stylisant et ordonnent la pente.
Tout le côté Nord-Ouest, en limite de la propriété voisine, fut plante de Tilleuls tailles en rideau, et devant la façade Sud Ouest de la maison fut établie une terrasse dominant le grand tapis vert — terrasse qu'ombrage le grand Châtaignier. Au-dessous de la nouvelle tonnelle se succèdent donc, sur trois plans différents, d'abord une allée droite parallèlement bordée de plates-bandes fleuries, — aboutissant au terre-plein haussé du pavillon — puis un Jardin de Roses, et un Jardin régulier de fleurs que deux emmarchements font communiquer et qu'enclosent des parois d'Ifs.


Ainsi, on a pu agréablement répartir des Plates-bandes de fleurs annuelles, d'Azalées, de plantes vivaces, etc. Deux rectangles assez larges, plantes de fleurs, dans le sens de la longueur, séparent ces dispositions du grand tapis vert que coupe l'allée d'arrivée, droite d'abord, puis légèrement courbée, bordée de haie de Rhododendrons au-dessus desquels se haussent des arbres à haute tige.
Des coins de repos ont été fort intelligemment aménagés ça et là, ainsi qu'il convient à notre époque, où le Jardin n'est pas seulement conçu pour satisfaire le regard mais aussi pour être habitable. C'est ainsi que l'allée droite, dans l'axe d'une des serres, a comme aboutissement régulier un retrait en surélévation avec chaises et bancs.
Les dispositions tout à fait originales et très plaisantes de ce Jardin, la liaison du Potager et du Verger avec les parties d'agrément sont originales et plaisantes. et l'ensemble est tout à fait représentatif de la manière de voir de M. Ammann. C'est un Jardin Moderne de bon aloi, aux lignes nettes, robustes, souvent massives par ses architectures de pierres — un Jardin auquel s'ajoutent des réminiscences, par ses calmes tapis verts, des verdoyants Jardins d'Angleterre.

(La vie à la campagne, Les jardins d’aujourd’hui,15 mars 1914)