lundi 31 mars 2014

Trudaine par ci, Trudaine par là ...

Vu d'en haut, le paysage effectivement apparaît toujours beau et pourtant vu d'en bas, ce n'est pas toujours le cas. 
Au centre du pays, la campagne est encore belle, mais, effectivement, dans les situations périphériques de la ville, elle se gangrène et s'appauvrit. Elle se dévitalise parce qu'elle est en attente imminente de son occupation par la ville diffuse. 
La crise actuelle de la ville est bien celle de sa périphérie. Certains défendent aujourd'hui l'idée que la modernité se caractériserait par le principe de l'accumulation simple la "ville émergente" ; ils pensent que les principes d'articulation et de relation entre les choses sont des notions désuètes. Personnellement, je pense le contraire. Ce qui disqualifie la périphérie de la ville, c'est justement le manque de lien entre les choses.
Michel Corajoud, Le paysage, c'est l'endroit où le ciel et la terre se touche, 2010)


Asnières et Clichy au milieu du 18e siècle (Atlas Trudaine, détail)
Les hauts lieux de la culture maraîchère. Est de Paris au milieu du 18e siècle (Atlas Trudaine, détail)
Les portes de la Villette et de la Chapelle, la plaine de Saint Denis, Saint-Denis au milieu du 18e siècle (Atlas Trudaine, détail)
Quand rien n'a vraiment changé,  Davron à l'ouest de Paris  (Atlas Trudaine, détail et Google earth)


Quand la France était un jardin ... pourrait-on dire ... L'Atlas dit "de Trudaine" est, avec le cadastre napoléonien, une mémoire fiable du territoire ... Si l'ambiance "semble" évoluer en banlieue parisienne, on s'aperçoit,  à l'image de Davron, que parfois rien n'a changé ...Quoi qu'on dise ...
Nombreux sont les endroits en France, où le quidam du 18e siècle retrouverait facilement son chemin  ...   je trouve ça très émouvant ... mais il est vrai qu'il m'en faut peu ...




jeudi 20 mars 2014

Le beau (non) jardin de Balata ...

Si vous avez l'occasion de visiter un jardin milliardaire en l'absence des maîtres de maison, partis en bateau, en ville ou dans un autre jardin, vous vous en apercevrez : ce jardin si riche et si effrayé, si triste et si ambitieux, est leur tombe et le purgatoire des travailleurs qui s'y affairent. Il aurait pu amener ses propriétaires à renouer avec leurs racines et s'épanouir à la vie. Par honte, par conformisme, par manque d'imagination, il confine au cimetière.
(Umberto Pasti, JARDINS - Les vrais et les autres, 2010)

Jardin de Balata : déséquilibre et altération (la ponctuation orange est insupportable)
Jardin de Balata : La présence de l'allée est constante et trop forte. Il y a ici absence de réflexion sur le modelé (il n'y a personne sur la photo parce que je suis arrivé le premier ... "ils" sont derrière )

Jardin de Balata : magnifique vue malheureusement altérée par la ligne de palmiers bien inutile en contre bas
Jardin de Balata : soyons honnêtes ... ce petit bosquet vaut le déplacement, il est  le seul espace réellement composé
Le jardin de Balata est un espace bien beau mais ce n'est pas un jardin ... des plantes magnifiques, un cadre magnifique etc. ... et toute la collection des superlatif ... Balata est une sorte d'attraction végétale , une sorte de pépinière distordue... une accumulation d'effets ... 
Certes, il y a quelques saynètes mais on ne déambule pas à Balata, on suit un chemin unique et imposé qui vous étouffe rapidement. On ne rêve pas, on ne s'interroge pas, on n'est jamais surpris et en fin de compte tout ça ne raconte pas grand chose  ...  Le seul intérêt étant le nombre important de végétaux, mais ces masses végétales altèrent constamment les vues sur le paysage ... Le regard horizontal perdu dans le lointain est impossible ... Au contraire, plantouilles et étiquetages provoquent ce regard vers le bas et le mal de nuque qui va avec ... Balata est un peu ennuyeux mais bon ! Allez-y... s'ennuyer en vacances n'est jamais désagréable ... mais ce n'est pas un jardin ...

lundi 17 mars 2014

Plantes de la Renaissance pour innover ... un peu ...

Le savinier par d'aucuns sabina, se reprend de branche, mais plus facilement de plant enraciné, et avec plus d'advancernent aussi. Un pied dans terre, est-il planté : désire d'estre bien cultivé, quelques-fois fumé, et arrousé. De deux sortes de savinier y a-il, dont la plus prisée, a le fueillage approchant de celui du cyprès, à telle cause appellé des Anciens, cyprès de Candie. Les deux sont tous jours verdoyans, sans craindre beaucoup les froidures, dont les cabinets et berceaux sont convenablement façonnés.
Le troesne, appellé en latin lugustrum, bois-blanc, à Lion, et à Fontainebleau, coigneau, est bien-séant en barrières ou palissades bornans les allées du jardin, pour la verdeur de ses faeilles, pour la fermeté de son bois, de lui-mesme s'appuyant sans autre artifice, que d'en entortiller le ramage, et pour demeurer long temps en service. A faute de plant enraciné, l'on l'édifie de semence, par l'un et l'autre fort facilement, voire se reprend-il de branche assés bien. II graine tous les ans, jettant sa semence dans des petites bouteilles noires à touppets, qu'il se conserve en hyver, lesquels meslés parmi le vert de fimeillage, augmente la grace des barrières: ausquelles le troesne se représente bien, ne pouvant servir ni en cabinets ni tonnelles, à cause qu'il ne peut monter hautement.
L'arbre de Judée sera mis ici, pour servir et en palissade et en cabinet. Il est par de d'aucuns appelle, gueinier, parce, à monavis, qu'il jette des longues goustes comme gueines à cousteaux, où sa graine s'en gendre. C'est un arbre plustost petit que grand, de la taille du prunier, rejettant abondamment du pied. Il est ployable à tout, car il se laisse manier à la trenche comme l'on veut. Sa fueille est assez large, de figure pareille à celle du lierre, mais plus grande de la moitié , de couleur vert-gai, pousse tost après l'hyver, qualités causans advancé et agréable ombrage. Ses fleurs colombines , ressemblantes à celles de fleur de pescher, augmentent la grace de l'arbre, mesme qu'elles naissent indifféremment sur le tronc de l'arbre, aussi bien ès endroits endurcis tics branches , que sur leurs bouts et cimes, précédentes de trois sepmaines la naissance de la fueille, et se rendent utiles en ce qu'elles sont mangeables en salade, tenans quelque chose de la saveur des capres. Il s'édifie par rejects enracinés prins ès pieds des vieux arbres, à faute desquels, satisfera la graine employée au mois de Mars ou d'Avril.
Lilac : De semblable corps et service que le précédent , est cestui-ci, dict, lilac ; son fueillage est plaisant à voir. Ses belles et grandes fleurs de couleur grix violent, sentans bon, parent longuement le jardin. Produit abondamment du pied, dont les rejetIons renouvellent la plante défaillans, ce sera la semence qui satisfera à cela, l'employant au mois de Mars ou d'Avril, en terre grasse et desliée. 
Le seringa porte la fleur blanche et petite, très-agréable à voir et à sentir, vient après celle de lilac. Est de longue durée au jardin y servant de plaisant ornement. Sert commodément en palissades et cabinets. S'édifie de branche, aussi de semence dont il est rendu de facile eslève ment, pourveu qu'il soit mis en bonne terre.
(Olivier de Serres, Théâtre d'agriculture et mesnage des champs;1600)



Miami : Palissade de Ficus benjamina (ou retusa) dans le fameux hôtel art déco Le Delano
Le magnifique jardin de la Ballue avec ses palissades de Thuyas
Je relis Olivier de Serres ... Chacun son truc !!  Le passage présenté mérite une certaine attention. A l'heure ou les Marronniers, Platanes, Buis sont infestés pas des maladies, il est à la fois réconfortant et navrant de constater qu'avant 1600 la palette pour former des palissades était bien plus importante, audacieuse et créatrice qu'aujourd'hui ...... Demain, il sera difficile de planter du buis nous dit-on ...  permettez-moi de m'associer à Olivier de Serres et de répondre : " Est-ce réellement un problème ? "

Pour info, il existe une palissade formée avec des Arbres de Judée dans le domaine de Saint-Cloud (en descendant vers l'étang des Carpes) elle doit dater du 19e siècle ... quant aux palissades de Seringa et de Lilas, je serais curieux de voir ça ...  

samedi 15 mars 2014

Week end Jardiniers d'art ...



!! ATTENTION DEUX CONCOURS !!

1 - Concours externe et interne de technicien d'art

Spécialité métiers du textile, métiers de la céramique et métier des végétaux

Inscription du mardi 11 mars 2014 à partir de 12 heures jusqu'au vendredi 4 avril 2014 jusqu'à 17heures.
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2 - Concours externe et interne d’adjoint(e)s techniques principaux de 2ème classe des administrations de l’Etat

 spécialité dentellière et jardinier d’art

Inscription du lundi 3 mars 2014 à partir de 12 heures jusqu'au vendredi 28 mars 2014 à 17 heures 





jeudi 13 mars 2014

Anglais quoi ! ...

C'est ainsi qu'avec le seul coloris de la nature, avec l'art de saisir les plus beaux traits, on vit paraitre une création nouvelle. Le paysage vivant fut corrigé quelquefois ou embelli, jamais dénaturé. On rendit aux arbres la liberté de leurs formes, ils étendirent sans gêne leurs rameaux. Si quelque chêne ou hêtre distingué avait échappé à sa serpe et survécu au reste de la forêt, on arrachait soigneusement alentour le buis et la ronce pour lui rendre l'honneur de décorer et d'ombrager la plaine. Si le feuillage touffu d'un bois antique étendait au loin son dais mobile et devenait imposant par sa vénérable obscurité, Kent éclaircissait les premiers rangs et n'y laissait que quelques pieds d'arbres détachés et dispersés pour ne donner passage qu'à une clarté adoucie, mêlant ainsi une lumière bigarrée à l'ombre allongée des tiges qu'il conservait en guise de colonnades.
Les artistes suivants, ajoutant certains coups de maître à ces heureuses touches, ont peut-être perfectionné quelques-unes des parties que je viens de nommer. L'introduction des arbres et des arbustes étrangers que nous devons principalement à Archibald, duc d'Argyle, a contribué essentiellement à cette richesse de coloris qui caractérise nos paysages modernes. Le mélange des verdures variées, le contraste des formes entre les arbres de nos forêts et les pins et sapins du nord de l'Amérique, sont des embellissements plus récents que Kent, ou du moins qu'il a peu connus.
(Horace Walpole, Essai Sur Les Jardins Modernes, 1760)
Jardin anglais 

Platane anglais
Forêt urbaine anglaise

Haie à l'anglaise de Chimonanthus praecox

lundi 10 mars 2014

Le jardin d'Agnès à Fort-de-France ...

Sous la pluie
Un petit nid 
Celui d'une hirondelle 
Qui part à tire d'aile 
Chercher un parapluie 
Mais voici qu'après la pluie 
Le soleil étincelle 
Mettons vite une ombrelle 
Au dessus des petits 
Si jolie était l'ombrelle 
Si gentil le parapluie 
Elle joua de la prunelle 
Et tout de suite fut séduit 
Et l'on vit le parapluie 
Amoureux de l'ombrelle 
Parti avec sa belle 
En oubliant le nid
Cependant très mécontent 
Le papa de l'ombrelle 
S'en va chercher querelle 
A nos gentils amants
Malheureux les amoureux
Se sont enfuis bien vite 
Traînant à leur poursuite 
Un papa fou furieux 
Quel mariage pour ma fille
Non jamais un parapluie 
N'entrera dans la famille 
Tant que je serai en vie
Mais quand papa les rattrapa 
Une toute petite ombrelle 
Lui dit de sa voix frêle
Bonjour grand papa.

(Henri Salvador, L'Ombrelle Et Le Parapluie, 1956)
La maison et le jardin ...


Les bancs peints ...

La cuisine ...


Et Agnès 
"Avant tout, l'art doit être joyeux et jamais lugubre" disait Alexandre Calder ...  Le jardin d'Agnès c'est de l'art joyeux comme une chanson d'Henri Salvador... un monde enchanté, du bonheur,  de la poésie pure pour rendre le visiteur heureux ... pour être heureux.  
Le jardin d'Agnès ce n'est pas le Palais idéal du Facteur Cheval mais tout de même, nous ne sommes pas loin de la rencontre avec tous les arts ... Agnès est une artiste... elle peint, sculpte, jardine transformant ainsi sa déjà belle maison créole en une incontestable œuvre d'art ... de l'Art Brut ... Un Jardin Brut...  de la maison  au bougainvillier en passant par les casseroles tout est jardin ici... et puis comment ne pas tomber sous le charme d'Agnès ? Femme martiniquaise séductrice, râleuse, travailleuse, intelligente et belle ... "Ni dé bagay ki pli solid : bwa doubout é fanm kouché " pourrait-on dire...  

Agnès a besoin d'aide, allez la voir, si vous passez dans le coin, son jardin est situé à Fort-de-France, derrière le Calvaire rue de la Piété, elle vous ouvrira...

jeudi 6 mars 2014

Perdre son échelle à Londres ...

Un monument, c’est aussi l’impression que procurent ses abords. D’où la vigilance qui s’impose à l’égard des projets de travaux dans le champ de visibilité des monuments historiques.
(Ministère de la culture et de la communication, Considérer les abords d’un monument historique, Mise à jour 2003)




Dans les rues de Londres


Le Tower Bridge et la tour Shard
Londres de la Tate Modern

Matignon en 1904 avec l'Hôtel de Reinach (en retrait) et Matignon en 1949 avec la cité Varenne
Projet du nouveau musée Albert Kahn par l'architecte Kengo Kuma
IL y a belle le lurette que Londres perd son échelle ... et en trouve une autre ! Le pauvre Tower Bridge parait bien riquiqui à coté de la Tour Shard... Entre nous, je dirais qu'il la ramène un peu moins ...(c'est le jardinier français jardino-anglophobe qui parle!!) En fait, je trouve ces gestes anglais admirables ... Je suis d'accord avec ceux qui disent que l'architecture influe sur le comportement des hommes et Londres est une ville riche en modernité avec des hommes et des femmes modernes ... En France, ce genre d'exercice est rendu difficile grâce à (à cause de) la loi des Abords de 1943 et une opinion publique souvent virulente ...

Pourquoi cette histoire d'échelle et d'Abords ?

En ce moment, un mouvement condamne le futur musée Albert Kanh qui sera réalisé par l'architecte japonais Kengo Kuma ... Il est évident que l'échelle du jardin (qui n'est pas protégé MH) en sera perturbée ... Certes ... Mais contester ce projet culturel et architectural n'est-il pas une absence de confiance et une opposition systématique à tout projet ?
Ne voyez pas en moi un suppôt du CG 92, je pense d'ailleurs être un des premiers à avoir condamné ouvertement la restitution des parterres du parc de Sceaux ... Mais Le parisien  et le défenseur des jardins historiques que je suis, regrette la ville figée dans laquelle il vit... A vouloir garder notre échelle que gagnons nous ? que perdons nous ? Regardez Matignon, mon cher Matignon ! ... Dans les années 1910/1920, la Citée Varenne a complètement perturbée l'échelle d'un des plus beaux et plus prestigieux monuments historiques de France .... Est-ce vraiment gênant ?