vendredi 29 juin 2012

Exit la poésie aussi ...

On ne fait pas un jardin, on le crée. Et comme dans toute création artistique, il s'agit de travailler avec les éléments formes et couleurs, rythme et volume, pleins et vides. D'ailleurs, mon idée de ce que devrait et de ce que pourrait être un jardin, du point de vue esthétique, vient de la peinture abstraite. Dans la peinture abstraite, la mienne tout au moins, la plante se transforme en pure valeur plastique, par la couleur, le tissu, la forme et le volume. Souvent aussi je regarde la plante comme une sculpture, un volume lancé dans l'espace. Pour mieux la comprendre sous cet aspect, il suffit de changer le point d'observation afin de sentir davantage les formes variées des profils.
Cependant, le jardin doit remplir des fonctions autres que purement esthétiques. Au fond, et suivant les architectes modernes, le jardin n'est que la continuation, le prolongement de l'habitation. Il est, en vérité, l'habitation en plein air. Ainsi le jardin forme tout naturellement la transition parfaite de l'architecture à la nature non disciplinée, établissant en même temps une liaison entre l'homme et le paysage environnant par l'emploi des plantes caractéristiques de la région. Car en raison de son caractère de trait d'union entre l'architecture et la nature, d'une part, entre l'homme et la nature, de l'autre, il me semble nécessaire que le jardin corresponde intimement au panorama local.
(Roberto Burle-Marx, Jardins au Brésil, 1947)

Eugène Atget, 1923/24, Le temple de l'amour à travers les arbres - Daniel Quesney, Mirroirs, 2001
Louis-Nicolas de Lespinasse,Vue du Petit Trianon et du Temple de l'Amour, vers 1780
Les notions d'Art et de Nature disparaissent du vocabulaire des jardins … Ces deux photographies résument une autre séparation bien sournoise qui sévit encore et encore : La séparation du bâti et du jardin ...... Ici, à Trianon dans le grand parc de Versailles nous avons une fabrique faisant partie intégrante de la composition au même titre que le paysage, l'eau, le végétal etc. ... sur la photo de Daniel Quesney la fabrique est isolée ... isolée de la composition, isolée du jardin, isolée du paysage ... Seul le monument importe. Je les entends d'ici dire "Nous avons dégagé le Temple de l'Amour, on ne le voyait plus ..." Pour la poésie, la magie du lieu … allez voir ailleurs ... Vous pensez encore une fois que je suis nostalgique … que je suis un "pro-restitution" … pas le moins du monde. Je suis pour le projet, l’évolution et ici il n’y a RIEN … que de l’appauvrissement … Je suis même persuadé que c’est une restitution basée sur un diagnostic encore une fois erroné du type "mettre en valeur la fabrique"… Je ne peux pas le prouver, mais je me souviens, un jour, avoir interrogé "une personne" travaillant sur le parc d’Ermenonville… elle me répondait cette phrase incroyable … "Je travaille uniquement sur les fabriques pas sur le paysage" Comment a-t-elle fait ?

jeudi 28 juin 2012

Casse toi métèque ...

Ainsi les nuages, le vent, le froid, le feu sont-ils autant d'atouts que le jardinier peut interpréter comme des outils du jardinage planétaire. Très vite il devient évident que l'ensemble des paramètres qui déterminent une biocénose en un lieu donné doivent être regardés comme alliés. Un observateur débarrassé de la névrose « tout green-tout golf» pour son joli gazon acceptera le labour de la taupe, propice à faire germer des espèces qui, sans cette ouverture du sol, resteraient à jamais à l'état d'invisibles semences. Toutes les expériences connues du jardinage planétaire ne se regroupent pas sous une même rubrique. On peut établir une typologie des actions engagées en se référant constamment au fait que le jardinier invoque le ciel, il ne le soumet pas. Il s'agit toujours d'un travail de collaboration avec la nature.
 Un travail que l'on peut décliner en neuf temps :
  1. Ne pas blesser la terre
  2. Accueillir les alliés du jardinier
  3. Favoriser l'échange entre les êtres vivants
  4. Savoir ménager l'eau
  5. Construire la maison de l'homme
  6. Sauvegarder l'enclos du jardinier
  7. Soigner la terre
  8. Donner sa part à ta nature
  9. Produire sans épuiser
(Gilles Clément, Le jardin Planétaire, 1999)
Lis des steppes et Lis orange - Pavot bleu de l'Himalaya et Euphorbe des bois
(Gilles Clément Le jardin en mouvement 1994)

Je voudrais attirer l’attention sur une politique qui se répand de plus en plus : le remplacement de végétaux exotiques par des végétaux indigènes, sous prétexte que certains végétaux exogènes sont invasifs. Il y a quelques temps, un paysagiste proposait lors d’une restauration de jardin ancien, la création d’une "forêt idéale". Le paysagiste organisait la plantation de la "forêt idéale" par l’implantation progressive "de plantes indigènes" caractéristiques des forêts de "chênes de la région", recréant "une chênaie idéale ne nécessitant ni arrosage ni fertilisation chimique" Les arbres remplacés par des chênes étaient des marronniers ... le jardin a été créé au XIXe siècle par le paysagiste Eugène Bülher qui utilisait principalement des plantes exotiques. On remarquera un repli régionaliste (les plantes de chez nous) doublé d’une affirmation fallacieuse (ne nécessitant ni arrosage ni fertilisation chimique). Ce projet nous dit en fait : " les plantes de chez nous sont préférables aux plantes étrangères qui elles nécessitent arrosage et fertilisation chimique" j'exagère ? je ne crois pas ... Depuis quand est-il nécessaire de fertiliser les marronniers ? ... Sous prétexte de développement durable, la composition est altérée. Au-delà du discours débile et quasi-xénophobe, cela dénote une totale ignorance de la composition initiale du jardin, de l’esprit du jardin mais en même temps une négation de l'ensemble de l'histoire des jardins qui comprend le voyage des plantes et l’acclimatation des végétaux. Bref! il y a appauvrissement de la composition et de toute la philosophie du jardin ...

mercredi 27 juin 2012

Jardinier bio ? ...


J'espère qu'une nouvelle histoire traitera du jardin contemporain à la lumière des deux concepts fondamentaux que j'ai dégagés dans ces deux conférences : la gradation des trois natures et la représentation qui en est faite par le jardin. C'est pourquoi je conclurai comme j'ai commencé, en évoquant deux cas exemplaires: le jardin créé par Ian Hamilton Finlay pour l'Institut Max Planck des environs de Stuttgart et le Jardin des Retours de Bernard Lassus à Rochefort-sur-Mer.
 (John Dixon Hunt, L’art des jardins et son histoire, 1996)

Mulch au pied d'un arbre, sous le mulch une bâche étanche ... technique de propreté ... rien d'autre
 Quand la notion de développement durable est apparue, je me suis dis "Chouette! on va pouvoir enfin travailler autrement ". Hélas, le développement durable est en train de devenir également une énième technique que l’on applique sans réelle réflexion. Nous utilisons du mulch,  nous utilisons des désherbants bio, etc. et nous pensons être durables. Il ne s’agit pas de contester les bienfaits, mais l’objectif. Appliquer une gestion durable sur un jardin, ce n’est ni transformer un gazon en prairie, ni limiter l’arrosage ou les produits chimiques, ni de mettre du mulch dans les parterres et encore moins remplacer les végétaux exogènes par des indigènes. Une gestion durable dans un jardin, qu’il soit ancien ou de composition récente, se doit de prendre en compte, l’évolution, la composition, les pratiques, les techniques, les usages et l’économie. Et l’environnement ? La détérioration de l’environnement par des pratiques polluantes ou consommatrices d’énergie ne relève pas de la gestion de jardin, c’est une dérive de la gestion. C’est de la méconnaissance du jardin et de la manière de le gérer qui est responsable de cette dérive. 

mardi 26 juin 2012

Exit le jardin, l'art et tout le reste ...

Il est impossible de s'entendre sur ce qu'on veut faire, si l'on ne commence avant tout par s'entendre sur ce qu'on veut dire. Depuis un temps on a beaucoup parlé de jardins; mais dans le sens ordinaire, le mot jardin présente d'abord l'idée d'un terrain enclos, aligné, ou contourné d'une manière ou d'une autre. Or, ce n'est point là du tout le mot du genre que j'entreprends de présenter, puisque la condition expresse de ce genre est précisément qu'il ne paraisse ni clôture, ni jardin; car tout arrangement affecté ne peut produire que l'effet d'un plan géométrique, d'un plateau de dessert, ou d'une feuille de découpures, et ne peut jamais présenter l'effet pittoresque d'un tableau ou d'une belle décoration. Il ne sera donc ici question ni de jardins antiques, ni de jardins modernes, ni de jardins Anglais, Chinois, Cochinchinois; ni de divisions en jardins, parcs, fermes ou pays ; ni d'exemples de tel ou tel lieu, parce que les exemples ne conduisent qu'à faire des copies; je ne traiterai que des moyens d'embellir ou d'enrichir la nature, dont les combinaisons variées à l'infini ne peuvent être classées et conviennent également à tous les temps et à toutes les nations. Mais, si d'un côté toute affectation doit être écartée, de l'autre le désordre et le caprice ne sont pas plus suffisants pour composer un beau tableau sur le terrain que sur la toile.

(René-Louis de Girardin, De la composition des paysages, ou des moyens d’embellir la nature autour des habitations  en joignant l’agréable à l’utile. 1775)

L'art des jardins à Little Sparta, 
chez Ian Hamilton Finlay de son vivant. 
Il a bien de la chance Girardin de pouvoir disserter sur le jardin comme il le fait ... Aujourd'hui, que dire de ce que l'on voit ... non pas dans la création, Dieu soit loué, elle est toujours présente ... Mais de la gestion que dire ? ...
La Composition d’un Jardin, son Histoire, l’Idée de Nature, l’Art, les Usages ne sont que trop rarement pris en compte par le jardinier.  Comment l’expliquer ? 

Prenons un exemple, la définition de l’Horticulture :

Du début XXe siècle :
Art de cultiver les jardins (1912 Le Larousse pour tous)
Art et science des jardins et du jardinage (1947 Le bon jardinier)

De la fin XXe siècle :
Branche de l’agriculture comprenant la culture des légumes, des fleurs, des arbres et arbustes fruitiers et d’ornement (1989 Petit Larousse illustré)

Franchement, j'ai bien envie de pleurer ... Ici, le jardin, en tant qu’œuvre dans sa permanence, est oublié, ignoré, piétiné …Le jardinier applique desormais des techniques, des pratiques, que sont l’horticulture, le mécanique, le chimique, et maintenant le biologique, sans réelle réflexion d’ensemble, sans objectif … hormis celui de la culture des plantes...Mais quel est le rapport entre la culture des plantes et l'art des jardins ?  ...  Imaginons un artiste peintre ne s'interessant qu'aux pigments ... " Voyez-vous mon cher, j'ai dans mon tableau des Lapis-lazulis et des cinabres absolument exquis" ... Bon allez ! A demain ...


lundi 25 juin 2012

Ars Natura ...

Si la Nature ne se révèle pas assez propice pour accorder spontanément au jardin ce sans quoi il retournerait bien vite à l'état sauvage, c'est à l'art qu'il incombe de jouer ce rôle.
(John Evelyn, Traité de jardin, non publié)

Frontispice du livre Curiosités de la nature et de l'art, par Pierre Le Lorrain de Vallemont (1703).
Troisième nature : le jardin clos ; 
Seconde nature : Terrain agricole et paysans; 
Première nature : Montagne aux flancs déchiquetés;


Je connais mes limites ! Ars Natura, la relation Art et Nature ... je laisse à d'autres le soin d'en parler ... Ce petit bouquin, issu de deux conférences de John Dixon Hunt au Collège de France, en parle merveilleusement et est à lire. 
Un extrait à propos de John Evelyn :
Ce qu'il souhaite, c'est que le jardin qu'il appelle « parfait » soit un abrégé,  une représentation parfaite du monde extérieur, c'est dans ce but qu'il le définit comme « cette aide que reçoit la nature quand on y ajoute l'art ». Cependant, de peur que nous ne tirions la conclusion trop hâtive qu'il est le défenseur de l'art aux dépens de la nature, il nous rappelle également que «l'Art, bien qu'il soit en joute avec la Nature, ne la boute pas hors de la lice ».
Il conclut les propos d'Evelyn : "Il ne faut pas pour autant prendre un point de vue inverse, comme le suggèrent certains auteurs récents." De ça, en revanche, je peux vous en parler ... à demain ...

vendredi 22 juin 2012

Digoine, c’est la French Touch ...

La gravure, exécutée par Michael Van der Gucht, nous montre en raccourci des versions des trois sortes différentes de nature. Nous voyons d'abord ce que la Renaissance appelait « troisième nature »: un parterre de broderie dans un jardin avec une fontaine en son centre. Au-delà du muret qui clôt ce jardin, s'étend un terrain agricole où des paysans labourent et sèment, autrement dit un espace que Cicéron assigne à la « seconde nature ». Enfin, nous voyons une montagne qui dresse ses flancs déchiquetés et au pied de laquelle semble jaillir une source. C'est ce que j'ai nommé la « première nature »
 (John Dixon Hunt, L’art des jardins et son histoire, 1996)

Ce qu'il faut connaitre du parc de Digoine
Le parcours des "Frontières naturelles" de Digoine
Vue sur le paysage : depuis le  jardin de la serre ( hauteur du mur 1.40m) - Depuis le parc où se situe le haha ( on regrettera la haie)
Limite entre le mur du jardin de la serre et le haha - Allée de ceinture longeant le haha et la campagne
L'allée de ceinture débouche sur la digue - Limite entre digue et rivière anglaise
La rivière anglaise traversant le parc aux allures naturelles - Les charolais dans la  prairie
J'aime le parc de Digoine, c'est un des  plus beaux jardins du territoire ... A Digoine, il y a une organisation rarissime entre le jardin et le paysage, la campagne…. Tout commence au jardin de la serre, celui-ci est fermé par un mur en appui qui laisse découvrir le paysage… Ce mur surprend tant il semble être la seule clôture artificielle. Et pourtant … il y a une succession d'éléments artificiels, Haha, Digue, Rivière anglaise qui marquent une frontière "naturelle" quasi imperceptible entre, ce qu'on appelle, la seconde et la troisième nature… Bien sur que notre haha est un haha. Un peu "encrassé" certes, mais du pur haha ! Il est une frontière invisible laissant découvrir le paysage et empêchant nos amis les charolais d'entrer dans le jardin ... que vouloir d'autre? Autres éléments qui nous ont convaincu : les limites se succèdent les unes après les autres : entre le mur et le haha, entre le haha et la digue, entre la digue et la rivière ... Rien ne se chevauche, tous ces artifices sont en place ... La rivière anglaise ? Elle est un piège fabuleux, ici elle sépare le parc en deux, laissant croire que nous sommes encore à la frontière du parc et longeant une prairie avec des charolais... Campagne? Jardin? Naturel? Artificiel ?... On ne sait plus… Du grand art … Je dirais même plus, pour conclure cette semaine scandaleusement anti-anglaise ... Digoine, c’est la French Touch

jeudi 21 juin 2012

Le haha de Digoine ...

Ce fut Horace Walpole qui fut à l'origine de l'histoire du jardin anglais à la fin des années 1760 et au début des années 1770, précisément au moment critique qui marque la prééminence de Brown, cette prééminence qui fut en grande partie incomprise ou détournée de son objet par les analogies avec la peinture. L'histoire du jardin fut alors conçue sous la forme d'une progression « naturelle » vers un point où le jardin se confondait avec la nature elle-même, et l'on apprit alors à découvrir la vraie nature en l'observant peinte sur des toiles; mais la notion de jardin en tant que mode de représentation propre disparut presque complètement. Ainsi se créa une orthodoxie dont la poigne de fer s'est imposée en Angleterre. Il n'est pas nécessaire d'avoir recours à des explications fantaisistes pour l'expliquer: elle se comprend très bien. Ce qui s'explique moins aisément, c'est son influence déterminante sur ce qui se faisait en Europe à une échelle plus vaste. On vit, de la Suède à l'Italie, des auteurs témoigner d'un vif désir d'adopter à la fois la pratique du jardin « naturel » et sa  justification historiographique comme apogée de l'art des jardins. Cela impliquait, bien sûr, que l'on coupât ce type d'historiographie de ses racines anglaises. De là le subterfuge, à mon avis plus  divertissant, des Français, qui mirent au crédit de la Chine l'invention du jardin «naturel», ce qui réservait une position de compromis au soi-disant « jardin anglo-chinois ».

(John Dixon Hunt, L’art des jardins et son histoire, 1996)


Haie avec fossé,  Audot, 1828 - Le haha de Digoine suplombé d'une haie



Maconnerie
Réseau hydrographique de Digoine

Le haha de Digoine est-il bien un haha ou un vulgaire fossé sec ? La réponse n'est pas aussi évidente ... Déjà, rien n'informe dans les archives historiques d'une telle architecture, rien non plus sur les plans ... C'est en analysant le terrain que nous sommes tombés sur ce drôle de fossé ... Pour tout vous dire, au premier abord, il nous semblait bien peu profond pour un haha ... Alors on a commencé à gratter et là, bonne surprise : des maçonneries... Il y a beaucoup d'eau sur ce terrain, alors, il fallait vérifier si ce n'était pas un vague collecteur ou un ancien trop plein de je ne sais quoi ... Là aussi, et le plan le montre bien, le haha est en dehors du réseau hydrographique du lieu. Nous avons eu rapidement la certitude que ce haha n'était pas un simple fossé ... Mais était-ce véritablement un haha? ... Suspense ! ...



La réponse demain...



mercredi 20 juin 2012

Vive le haha anglais ...

L'art du jardinisme paysagiste n'est, en aucune matière, plus redevable à M. Brown que de l'introduction judicieuse qu'il a faite du Ha! Ha! ou saut du loup, grâce auquel il a pu unifier en apparence deux surfaces contraintes par nécessité de rester séparées. Mais ce procédé a été copié de façon absurde dans un grand nombre d'endroits, à une échelle qui produit plus de confinement réel qu'aucune clôture ne le fit jamais.
(Humphry Repton, Rapport concernant une Villa à Streatham appartenant au comte de Coventry, 1816)
Le haha de Stowe, le mur dos au jardin

Le haha de Digoine
Le haha ou saut de loup de Villers-Cotterêts
(Notez qu'il est à l'envers ... Mur face au jardin)
Exemples de haies avec fossé,
Traité de la composition et de l'ornement des jardins, Audot, 1828
Si Repton attribue le haha à Lancelot « Capability » Brown, il faut se rappeler que notre ami Walpole attribuait le haha (Essai sur l’art des jardins modernes en 1770) à William Kent … Le jardinier français dont je parlais hier se gausse … Mettez vous d’accord Messieurs les anglais ! … Des historiens français tentent depuis quelques temps déjà de mettre Walpole et Repton d’accord en affirmant que le haha est … français … citant notre ami Antoine Joseph Dezallier d’Argenville. "Le bout de cette terrasse est terminé par une claire-voie, qu’on appelle autrement un "ahah" avec un fossé sec au pied" (La Théorie et la pratique du jardinage, 1709) Ces mêmes historiens citent également les fortifications de Vauban … le fossé défensif ç'est français tout de même! etc. … Bref ! La hache est toujours déterrée et la guerre continue … Loin de moi l’idée de dire du bien des anglais mais là, je trouve qu’on exagère … Le haha de Stowe n’a rien à voir avec une claire-voie ... Claire-voie qui par ailleurs,  est un autre terme donné pour une palissade de treillage … Ce que décrit Dézallier semble plutôt correspondre au chapitre -Haies et Palissades- du Audot de 1829 (tout du moins dans l’esprit et en remplaçant la haie par un treillage) Voyez plutôt : "les haies et palissades plantées en Aubépine, forment d’excellent clôture dont la sureté est augmenté par un fossé"...  Peut être n’ai-je rien compris? Peut être ne suis-je qu’un ignorant à la solde des anglais?
Bref! Peut être ne suis-je qu’un traite ? …

mardi 19 juin 2012

Je hais les anglais et leurs jardins ...


(Petillon et Rochette, Panique à Londres, 2003)

Vous êtes vous posés ne serait-ce qu'une seule fois dans votre vie la question suivante ? Un jardinier français peut-il décemment aimer les jardins anglais, leur haha, leurs ifs de Levens Hall, leurs pavots de l'Himalaya, leur gazon toujours vert et leur climat idéal pour les jardins ? Le jardinier français peut-il enfin en 2012 enterrer la hache de guerre ? Pardonner une fois pour toute à Horace Walpole d’avoir écrit "Nous avons donné au monde le vrai modèle de l'art des jardins ; que les autres pays imitent ou corrompent notre goût, mais qu'il règne ici sur son trône verdoyant, original dans son élégante simplicité et fier du seul art d'adoucir les rudesses de la nature et de copier ses touches gracieuses." Ouf ! Ça c’est dur à digérer quand même !… Mais, il faut bien avouer qu’il est bien difficile de ne pas admirer des Kent ou des Brown … et les jardins de Levens Hall … et le traitement des lisères boisées (Mais comment font-ils ?) et les forsythias palissés de Kew … 
Les admirer, les aimer certes ! Mais de là en dire du bien ! JAMAIS !!!
Les ifs de Levens Hall,  Audot 1829

lundi 18 juin 2012

J'ai eu chaud ! ...

Est-ce qu'un chanteur peut jouer une chanson ?
Bien sûr, beaucoup le font. Mais plus on joue, moins on s'approche de la vérité. Et beaucoup de ces chanteurs perdent ce qu'ils sont après un moment. On chante « Je pose des rails pour le comté » tellement de fois qu'à la fin, on finit par grimper au poteau électrique.
Quel acteur verriez-vous chanter « This Dream Of You » ?
Mon Dieu, je ne sais pas. James Cagney, Mickey Rooney.
Humphrey Bogart ?
Oui, lui aussi. C'est bizarre ce truc qu'ont les acteurs avec leur identité. Chaque fois que je tombe sur Val Kilmer, je ne peux pas m'empêcher de lui dire : « Pourquoi, Johnny Ringo, ressembles-tu à quelqu'un à qui on vient de marcher sur la tombe. » Val me dit toujours : « Bob, je ne suis pas Johnny Ringo. C'est juste un rôle que j'ai joué dans un film. » Peut-être a-t-il raison, peut-être a-t-il tort. Je crois qu'il a tort, mais il dit ça d'une façon si sincère. Il vous force à penser qu'il a raison.



(Bob Dylan, une interview par Bill Flanagan, Dylan Intime, 2012)
Photo extraite de "Dylan Intime"
sous la direction de Pierre-Jean Crittin et de Franck Fatalot, 2012
Pour la fête des pères, mes deux fistons ne m'ont offert ni  le dernier "Comment tailler vos rosiers", ni le dernier "Jardinons bio" ni le dernier soit disant essai historique contant les  aventures amoureuses de Marie-Antoinette dans le parc de Trianon ... NON! ... Ils m'ont offert le dernier livre sur Bob Dylan  Ouf, j'ai eu chaud ! ... Merci les gars ... 

vendredi 15 juin 2012

Un bouc peut devenir jardinier ...

Il y a certainement des gens qui, en lisant ces instructives considérations, diront avec irritation : « Comment, voilà un gaillard qui nous parle de toutes les herbes qui ne se mangent pas, mais il ne mentionne même pas d'un mot les carottes, les cornichons, les choux, les choux-fleurs, les oignons, les poireaux, les radis, même pas le céleri, ni le persil, ni la ciboulette, ni le choux rouge. Qu'est-ce que c'est que ce jardinier, qui, partie par orgueil, partie par incompétence, passe sous silence ce qu'il y a de plus beau parmi tout ce qu'on peut cultiver, comme, par exemple, une planche de salade! » A ce reproche, je réponds que dans une des nombreuses périodes de mon existence, j'ai régné, moi aussi, sur quelques planches de carottes, de choux et de salades; j'agissais ainsi poussé par une espèce de romantisme, car je voulais me donner l'illusion d'être fermier. Le moment venu, il apparut que j'étais obligé de croquer tous les jours cent vingt radis, parce que personne autre dans la maison n'en voulait plus manger. La semaine d'après je nageais dans les choux, après quoi vinrent des orgies de cardon quelquefois déjà ligneux. Il y avait des semaines où j'étais obligé de mâcher de la salade trois fois par jour, pour n'avoir pas à la jeter. Je n'ai pas le moins du monde l'intention de gâter leur plaisir aux amateurs de légumes; mais, ce qu'ils ont fait pousser, qu'ils le mangent. Si j'étais forcé de manger mes roses ou de brouter les fleurs de mes muguets, je pense que je perdrais cette espèce de respect que j'ai pour elles. Un bouc peut devenir jardinier, mais un jardinier se change difficilement en bouc, pour brouter son jardin.
(Karel Čapek, L’année du jardinier, 1929)

San Francisco

L'humour et la poésie de mon très cher Karel traduit ici cette concurrence voire cette opposition radicale entre le jardinier et le maraicher ou l'agriculteur. Le jardinier n'est pas un agriculteur ... la preuve par l'outil : l'agriculteur utilisait la houe et le jardinier la bêche ... Jacques Peru, conservateur du musée des cultures légumières de la Courneuve, voyait ici la marque de cette différence. Mon père, qui était quasiment un jardinier du Roy, m'a dit un jour avec le plus grand mépris, "tu bêches comme un maraicher de l'Essonne" (Pardon aux Essonniens tout en précisant que mon père descend d'une famille de Méréville)
Des outils différents entrainent des techniques différentes :  la taille horticole s'oppose au recepage ou à la taille en têtard qui sont des techniques rurales et forestières … Qu'elles soient jardinières, paysannes ou forestières ces techniques ont façonné les jardins et les paysages … cette concurrence, parfois violente, est nécessaire. L'uniformisation des techniques et des outils est l' ennemie, elle crée sous nos yeux cette dangereuse banalisation des jardins et des paysages ...

jeudi 14 juin 2012

Jardins d'enfants ...

Nous pouvons parler accessoirement de l'installation nouvelle de certains jardins, très en faveur en Autriche, en Allemagne et en Amérique, les jardins d'enfants. Nous avons compris en France l'intérêt de ces jardins, mais seulement pour les quelques écoles de petites villes et de villages où les enfants destinés à la campagne doivent connaître les éléments de l'horticulture et de l'agriculture. Mais la connaissance des plantes et des fleurs, de la fécondité de la terre, des mystères de la vie des champs, des jardins et des forêts est encore plus utile, sinon nécessaire aux petits enfants des villes. Cultiver chez l'enfant le discernement critique de la beauté et de l'excellence des choses parmi les œuvres humaines et les œuvres de la nature, constitue un des éléments les plus importants de l'éducation, et rien pour la direction de l'esprit dans ce sens, pour la formation du jugement, ne vaut l'efficace étude de la nature vivante. Il aura été réservé à notre époque de comprendre que le jardin est un moyen d'enseignement autrement plus sain, plus pénétrant, plus fécond et plus puissant que le tableau noir et les cahiers d'autrefois.
(Jean Claude Nicolas Forestier, Grandes villes et systèmes de parcs, 1906)

Jean-Charles Moreux, Jardin des Gobelins-Plan d'ensemble,1936

Jean-Charles Moreux, Jardin des Gobelins-Perspective d'ensemble, 1937

Jardin des Gobelins-Vue des escaliers. Cliché Éd. Bourdier, non daté
Le hibou et le square René Le Gall aujourd'hui
Jean-Charles Moreux l'appelait le jardin des Gobelins, la ville de Paris l'appelle Square René Le Gall mais les enfants l'appellent "Croulebarbe". Croulebarbe, c'est un endroit incomparable ... Jardin art déco conçu par Jean-Charles Moreux dans les années 1930, il se divise en trois parties : un parterre avec un obélisque, un bosquet et un terrain de jeux ... Les enfants l'ont complètement accaparé et … transformé l'ensemble du jardin en un superbe terrain de jeux … et puis à Croulebarbe, il y a Pascaline et ses balançoires, elle est sympa Pascaline, elle oublie tout le temps de regarder sa montre si bien que ce sont les parents, poussant la balançoire avec leurs bras atrophiés qui, d’un signe discret, supplient Pascaline de dire "allez les enfants, on va s’arrêter" ... Et puis, il y a à Croulebarbe quelque chose que, ni le Grand Canal de Versailles, ni les fabriques de Méréville, ni les fontaines de la Villa d'Este, ne pourront surpasser et qui fait que ce jardin gardera toujours une place à part …  c’est le jardin qui a vu grandir mes enfants … Et ça! ... 


mercredi 13 juin 2012

Sport au jardin ...

Les places consacrées aux gymnases pour les enfants se rencontrent fréquemment dans les propriétés privées. Un espace rectangulaire, (le 6 à 8 mètres de largeur sur 15 de longueur, suffit ordinairement pour l'installation du matériel. Dans quelques parcs, comme à la villa Pallavicini, près de Gênes, les balançoires et jeux divers sont établis avec un grand luxe. Parmi les autres jeux à installer dans les propriétés privées, on peut encore citer le tir à l'arc sur les pelouses, le tir au pistolet, que l'on place entre deux murs parallèles, avec abri, pour éviter les accidents, les jeux de boules, sur un terrain uni et creusé latéralement en cuvette, etc.
(Edouard André, Traité général de la composition des Parcs & Jardins, 1879)

Le tennis de l'Hôtel de Cassini à Paris, conçu en même temps que le jardin dans les années 1920
Les équipements sportifs pas franchement bien intégrés de la Résidence de la Lanterne, Domaine National de Versailles
le magnifique parc de Digoine et son tennis innommable 
C'est un exercice bien difficile que de placer une piscine, un terrain de tennis ou autres installations sportives dans un jardin. Le problème est le besoin incontestable de proximité avec la maison (ne serait-ce que pour surveiller les copains de nos enfants qui prétendent savoir nager alors qu'ils n'ont connu que l'eau de leur bain ...) La solution est dans le décor qui accompagne le terrain de sport ... il ne faut pas hésiter à les mettre en scène au même titre qu'une fabrique. D'ailleurs, ce ne peut être qu'une fabrique de jardin sinon comment expliquer leur présence ? ... 

mardi 12 juin 2012

Jardins de sport ...

Le Volksgarten, de Cologne, qui comme Battersea Park, tout en donnant aux jeux ses plus belles et plus vastes pelouses, forme aussi un jardin d'agrément ou de promenade où l'animation même des jeux n'est pas un des moindres attraits. Les petits parcs, les jardins de quartiers, ou bien sont de purs ornements de verdure, arbres, arbustes, fleurs, gazons, tels nos squares de la Trinité, de la place Malesherbes, les Embankments de Londres, les quais de Liège, espaces de desserrement et d'ornement de la ville, ou bien sont des terrains de jeux et d'exercices, football, cricket, tennis, boules, croquet, etc., comme Southwark Park, à Londres, et les nombreux terrains de jeux (play grounds) répartis de tous côtés dans les villes américaines. Il n'est pas inopportun d'entourer de larges parties agréablement plantées, les emplacements réservés aux jeux. Parfois un jardin public en masque le côté trop pratique comme au Southwark Park, de Londres, au Charlesbank, de Boston et au Jackson Park de Chicago. Mais la préoccupation principale doit être de les distribuer largement et à la portée de chacun. Si chaque famille doit pouvoir trouver à moins de 1000 mètres un des terrains de récréation d'enfants dont nous allons parler, les champs de jeux ne doivent pas exiger un déplacement de plus de 1500 à 2 000 mètres. Dans la banlieue de New York, Staten Island qui est surtout habitée par des personnes occupées à New York projetait dernièrement d'acquérir non seulement 1400 hectares de parcs mais aussi plus de 80 hectares de terrains de jeux, c'est-à-dire une surface dix fois plus grande que notre parc Monceau.
(Jean Claude Nicolas Forestier, Grandes villes et systèmes de parcs, 1906)
Terrains de Base Ball à Central Park
Ce parc comporte de vastes espaces pour les jeux de foot ball, de rugby, de base ball, des tennis nombreux etc. Il donnera aux étudiants d’exceptionnelles facilités pour s’adonner aux exercices sportifs. 
(Lucien Bechmann, années 1920/1930)

Parcours sportif du parc de Sceaux
Tout est dit non? Forestier sait de quoi il parle … Il faut dire aussi que c’est l’époque. Pierre de Fredy de Coubertin et les Jeux Olympiques, Georges Hébert et sa méthode sport naturelle, les exploits de Jean Bouin ...Tous fans de sport et d’hygiène … le jardin suit naturellement le mouvement et donnera à la Cité universitaire des résultats plus qu’intéressants … Il y a une réelle composition de jardin incluant les usages sportifs … il est dommage qu’actuellement les gestionnaires de la Cité U aient un peu oublié cette volonté première … Je serai moins enthousiaste à Central Park ou l’on sent un usage intensif du Base Ball à l'intérieur de ces vides magnifiques qui ont fait la réputation de ce parc fabuleux… mais bon! je leur pardonne facilement et la leçon est difficile quand on voit que les New Yorkais ont supprimé totalement la voiture dans leur parc alors que dans le magnifique parc de Saint-Cloud la circulation voiture continue allégrement  … A Sceaux, c’est bien! Le parcours sportif est bien intégré, d’ailleurs c’est souvent bien à Sceaux … les gestionnaires se posent la bonne question : quels usages en 2012 pour les jardins anciens et la réponse est nettement visible sur place ... sur le site internet du Parc de Sceaux il est écrit : "La restauration du parc donna lieu à divers projets. Le paysagiste Jean Claude Nicolas Forestier (1861-1930), proposa une réhabilitation fidèle aux jardins de Le Nôtre. Son projet fut abandonné au profit d’une rénovation à moindre coût menée par l’architecte, Léon Azéma (1888-1976). Tout en respectant les grandes lignes du parc de Le Nôtre, il adapta les espaces à des fonctionnalités contemporaines. C’est d’ailleurs la politique qui prévaut désormais tant dans la réhabilitation des jardins que dans celle des bâtiments." Prise en compte les usages actuels dans le respect de l’histoire, de la composition et des structures permanentes dans ce qu'elles ont apporté à l'œuvre et à sa qualité Bref !… un bon exemple de conservation de jardin historique.

lundi 11 juin 2012

Les temps changent ...

There's a battle outside
And it is ragin'.
It'Il soon shake your windows
And rattle your walls
For the times they are a-changin'.


(Bob Dylan, The Times They Are a-Changin', 1964)

Il a raison Bob Dylan, les temps changent ... tout se perd aussi ... il aura fallu qu'une amie me montre ce gâteau pour que je me rappelle qu'on avait encore le droit à une séance foot cette année. Je ne suis pas du genre passionné de foot ...  en ce moment, j'ai l'impression d'être moins seul ... Ca passe assez inaperçu cette année non?... La politique aurait-elle tué le foot pour nous faire oublier que c’est elle qui l’a créé pour annihiler les peuples ? (on dirait du Coluche !) … Bon allez, les temps changent ... Certes, mais quel rapport avec les jardins tout ça ? … on verra demain !... en attendant, je voulais partager ce beau gâteau avec vous ...


vendredi 8 juin 2012

Pauvre Tonino ! ...

Après avoir examiné la plupart des Auteurs, qui ont écrit sur l'Agriculture et le Jardinage, il ne s'en est trouvé aucun, qui se soit étendu sur la matière qu'on se propose de traiter. On s'égare aisément dans une route que personne ne nous a frayée. Les Ecrivains Latins et Italiens qui ont traité cette matière, sont remplis d'excellentes maximes qui regardent plus l'Agriculture que le Jardinage, et nous n'avons parmi nos François que deux ou trois Auteurs qui ayant parlé des beaux Jardins. Ces Auteurs n'ont fait qu'entamer, et pour ainsi dire, qu'effleurer cette matière ; les Desseins même qui accompagnent leurs Livres, sont d'un goût fort commun, et ne sont plus d'usage présentement. Les autres qui ont écrit de l'Agriculture, ont apparemment trouvé cette matière peu digne de leur plume ; les uns parlent de la Taille des Arbres fruitiers, de la Culture des Jardins potagers, du Jardin Botaniste, et de la propriété des Simples ; les autres du ménage des Champs, du devoir d'un bon père de famille, d'un Laboureur et d'un Fermier, de la Vigne et des Vendanges, de la Pêche, de la Chasse et de la manière de faire la Cuisine, et toutes sortes de Confitures, en quoi l'on voit la différence de cet Ouvrage d'avec les leurs.
(Antoine Joseph Dezallier d’Argenville. La Théorie et la pratique du jardinage,1709)

Edition 2003 par Acte Sud
J'ai lu Antoine Joseph Dezallier d'Argenville ... Lu et relu ...  je peux même affirmer, sans me vanter, être un grand spécialiste de son œuvre mais aussi de l’homme … comme je suis un scientifique, je prouve ce que j’avance … la preuve est dans le bouquin ... elle se trouve  dans les premières lignes présentées ici. J’ai ici la preuve de ce que jamais personne n’avait vu avant moi : Antoine Joseph était un petit garçon bien malheureux, jouant tout seul dans la cour de récré, que les grands bastonnaient régulièrement et qu’à cause de ça, il dénonçait ses petits camarades ... mon pauvre Tonino! Je suis le seul à t’avoir compris…

jeudi 7 juin 2012

L'art de la coupe ...

Pour bien entretenir ces palissades, on ne les doit pas laisser monter si haut, de crainte qu'elles ne se dégarnissent. Il les faut tondre et les serrer de près avec le croissant, par le moyen de grandes échelles doubles et chariots roulans, tant par le dessus que par les deux côtés, et toujours le plus court et le plus serré qu'il se pourra. il n'y a rien de plus vilain que de voir une palissade trop épaisse, ce qui la ruine en peu de teins. Dans les Jardins bien soignés on tond les palissades deux fois l'année, en Juin et au commencement de Septembre, après la pousse de chaque sève, mais ordinairement on ne les tond qu'une fois, et cela dans le mois de Juillet entre les deux sèves.
(Antoine Joseph Dezallier d’Argenville. La Théorie et la pratique du jardinage,1709)
Publicité pour une entreprise spécialisée dans la tonte architecturée
Le geste magnifique de Gilles Lebobe
Deux sortes de jardiniers ... ceux qui rêvaient d'être capitaine de Tank et ceux qui pratiquent un art ... cette publicité provoque chez moi à la fois l'hilarité et la colère ... Mais qu'est-ce que c'est que cette bouffonnerie ? Ils n'ont pas trouvé plus gros pour tondre leur petite banquette? La colère, parce que cette machine a eu la peau du plus beau geste de jardinier : la taille au croissant... La taille au croissant, c'est l'art de la coupe ... Ici, mon ami Gilles Lebobe taille un if. Le geste est tellement compliqué que je n’arriverai pas à vous l’expliquer … en tout cas, le résultat est qu’une fois coupé, la plaie de la branche est tournée vers l'intérieur et donc invisible ... et oui ! Ce n'est pas esthétique toutes ces plaies blanches ... Gilles Lebobe est un grand maître de l'art de la coupe dont le geste rivalise aisément avec celui des maîtres japonais de Iaïdo. Vous me croirez si vous voulez, mais un jour, lors d’une crue de la Marne à Champs, je l’ai vu trancher au croissant un brochet qui s’était aventuré un peu trop près ... un sacré personnage... Autre chose, avez vous remarqué la dernière phrase de Dezallier d'Argenville "ordinairement on ne les tond qu'une fois" et oui! une tonte pour conserver la forme ... la deuxième n'est que de la propreté ... 
En attendant, notre pauvre capitaine de Tank, pour qui j'ai tout de même beaucoup de sympathie, crève de chaud et se bousille les tympans ...